Mes excuses à l’Ukraine

avril 11, 2016

À mes amis ukrainiens,

Avec un sentiment de tristesse et de honte, je transmets mes excuses pour la gifle que vous avez reçue de la part de beaucoup d’électeurs néerlandais,  lors de notre référendum, ici la semaine dernière. Tout comme la photo ci-dessus le montre, vous vous étiez réunis massivement afin de soutenir un nouveau départ pour votre pays, il y a deux ans à peine. Vous aviez le droit d’attendre le soutien des Européens dans vos espoirs de démocratie, de liberté de la domination du Kremlin, et la fin de la corruption endémique.

Après tout, le projet européen est censé être celui des valeurs de liberté, de paix, d’égalité, de solidarité et de dignité humaine. Ce sont des valeurs que les Néerlandais avaient épousées depuis leur révolte contre la tyrannie espagnole du 16ème siècle. Ce sont des valeurs enracinées dans les Ecritures.

Des croyants des églises orthodoxes, catholiques, protestantes et pentecôtistes, dans votre pays, s’étaient rassemblés dans une unité sans précédent, sur la Place Maidan, il y a deux ans, offrant ensemble des prières et un soutien pratique pour les foules. La solidarité continue à ce jour, exprimée par une délégation interreligieuse qui visita les Pays-Bas le mois dernier – le Grand Rabbin Dov Bleich, le Patriarche orthodoxe Filaret, l’Archevêque Sviatoslav Schevchuk, le Muphti Saïd Ismagov et plusieurs évêques protestants – afin de plaider pour le soutien. Des ex-dissidents, victimes de la répression communiste, et aussi des leaders de la communauté homosexuelle, ont tous prié les Néerlandais de les aider.

Malgré cela, deux tiers des participants ont voté contre l’aide de l’Union européenne pour votre pays. Dans la prétendue ‘Ceinture de la Bible’, la partie du pays la plus traditionnellement chrétienne, le vote du ‘nee’ était même plus élevé. Pourquoi ceci ? Pourquoi le peuple néerlandais et les chrétiens, en particulier, veulent vous refuser, à vous Ukrainiens, les libertés et les valeurs dont ils ont pu jouir depuis des siècles ? Je peux imaginer la confusion et la déception que vous devez ressentir.

Pour couronner le tout, ceci vient à la suite de la tragédie du MH17, dans laquelle tant de Néerlandais furent les victimes d’un missile BUK russe.

Alors permettez-moi d’essayer d’expliquer, si pas d’excuser.

Mécontentement

La plupart des Néerlandais n’ont pas vu le référendum comme vous concernant ainsi que votre pays. Les initiateurs du référendum ont dit eux-mêmes qu’ils ne se souciaient pas de l’Ukraine. Ils voulaient tout simplement détruire l’Union européenne. Nous ne sommes pas habitués aux referenda aux Pays-Bas. Celui-ci était le premier du genre. Un seuil artificiel de 30% avait été établi, en-dessous duquel le referendum aurait été déclaré non valable. Ce fut probablement une erreur car beaucoup d’électeurs potentiels du ‘ja’ sont probablement restés à l’écart des bureaux de vote, en espérant que le seuil ne soit pas atteint. Seuls ceux qui voulaient voter ‘nee’ étaient réellement motivés. Vu sous cet angle, seul un cinquième de tous les électeurs néerlandais ont en fait voté contre votre pays.

Comme dans d’autres pays européens, nous avons un mouvement populiste grandissant, qui est un paratonnerre pour le mécontentement. Ce mouvement prospère sur un évangile de peur et de demi-vérités. Malheureusement, trop de chrétiens sont sensibles à ces histoires : au sujet d’une Europe étant submergée par les réfugiés et les migrants musulmans, à propos du terrorisme grandissant en Europe, au sujet de l’Union européenne comme étant le mal…

L’espace ne me permet pas d’apporter des réponses complètes à ces questions. Bien que les événements à Paris et à Bruxelles aient été choquants, nous avons tendance à avoir une mémoire courte et sélective : plus de personnes sont mortes du terrorisme, en Europe, entre 1970 et 1986, qu’entre 2000 et 2016, après le 11 septembre.

Beaucoup plus de réfugiés sont arrivés aux Pays-Bas (345.000) au cours de la dernière décennie du 20ème siècle, que dans les cinq dernières années (131.000). Il en est de même pour l’Allemagne. Selon les chiffres de l’Union européenne, à peu près la moitié sont des membres actifs d’église ! Nous devrions voir 45.000 réfugiés arriver aux Pays-Bas chaque année, jusqu’en 2021, pour atteindre le niveau de 1996.

Indifférence

Voici un des grands problèmes auxquels nous sommes confrontés dans la communauté chrétienne occidentale, en particulier dans le monde évangélique et pentecôtiste : nous n’avons pas une tradition de penser bibliquement à propos des choses non spirituelles. Contrairement aux traditions catholiques et réformées, nous n’avons pas été stimulés à appliquer la pensée biblique aux questions de notre temps. Nous restons dès lors très vulnérables aux théories de conspiration, à propos de l’Union européenne comme étant un complot venant de Rome, par exemple. Nous nous attendons à ce que les choses aillent de mal en pis, en raison d’une interprétation particulière de la prophétie biblique, croyant que ce n’est pas la volonté de Dieu pour que sa volonté soit faite en Europe, en contradiction évidente à la prière du Notre Père.

Comme les populistes, nous savons ce dont nous sommes contre, mais nous ne savons pas ce dont nous sommes pour. Quel genre d’Europe pensons-nous que Dieu veuille ? À quoi ressemblerait-elle ? Comment pouvons-nous influencer les institutions de l’Union européenne par la prière et la persuasion dans cette direction ? Comment les nations européennes devraient être en relation les unes aux autres, dans la paix, la liberté, le respect mutuel et la solidarité ? Comment pouvons-nous encourager nos nations voisines, y compris l’Ukraine, à surmonter la longue captivité communiste et de grandir dans ces valeurs ?

Comment pouvons-nous surmonter notre propre ignorance et indifférence, élargir nos horizons et regarder au-delà de nos propres bulles locales, en pensant au-delà du court-terme ?

Une étape concrète est de venir au Forum sur l’état de l’Europe cette année à Amsterdam, les 8 et 9 mai.


À la semaine prochaine,

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