Politique et démocratie

octobre 2, 2018

La quatorzième d’une série d’ébauches de chapitres pour un livre-cadeau illustré et au style populaire sur la manière dont la Bible a façonné beaucoup de facettes de nos vies occidentales. Vos commentaires sont les bienvenus.

Pour beaucoup de personnes, le principe de séparation de l’église et de l’état est supposé impliquer que la religion n’a pas de rôle dans la politique moderne. La démocratie, nous dit-on, nous vient des Grecs ; par conséquent, qui a besoin de la religion en politique ?

Les idéologies politiques sont cependant religieuses par nature. Elles expriment des croyances sur la nature de la réalité, de l’humanité et de la société. Elles sont basées sur des idées d’autorité et de pouvoir. Que ce soit le conservatisme, le socialisme, le communisme, le libéralisme, le fascisme ou le nationalisme, les idéologies reflètent la foi dans les solutions pour un monde meilleur.

Quelles perspectives de foi ont principalement façonné la politique occidentale ? Le mot ‘démocratie’ a des racines grecques, mais pouvons-nous réellement tracer une ligne directe d’Athènes à Bruxelles, ou à Londres, Paris ou Washington ?

Pour le meilleur ou pour le pire, la Bible a été de loin la plus grande source d’idées qui a façonné la pensée politique et gouvernementale en Europe depuis la dernière période de l’Empire romain jusqu’aux temps modernes.

Depuis Constantin jusqu’à Henry VIII et au-delà, la Bible était la source d’autorité sur laquelle les formes gouvernementales étaient légitimées ; qu’elles fussent tyranniques et autoritaires, ou démocratiques et égalitaires.

Depuis l’émergence de la Chrétienté, la relation entre le trône et l’autel, entre l’empereur et le pape, ou entre le roi et le cardinal, était une relation de tension et de compétition. Aucun camp n’a pu jouir du monopole complet. Quel rôle les autorités religieuses ont-elle joué en légitimant le trône ? La Bible dépeint les rois de l’Ancien Testament comme étant oints avec l’autorité et l’approbation divine : Samuel avec David, et Tsadok avec Salomon. (L’hymne Zadok the Priest de Händel a été utilisé pour chaque couronnement britannique depuis George II en 1727).

Le Nouveau Testament semblait également se ranger du côté des puissances régnantes. Paul instruisait les Romains au chapitre 13 : car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes.

Et pourtant, à partir du début du Moyen-Âge, le dernier mot pour la légitimité du souverain incombait au chef spirituel. Boniface avait dit au roi de Mercie que « ce n’était pas votre mérite personnel mais l’abondante bonté de Dieu qui vous nomma roi et souverain sur beaucoup de personne. » Les rois et les souverains avaient des responsabilités devant Dieu. Ils devaient diriger avec justice, protéger leur peuple, valoriser la vie, protéger les faibles et défendre l’église.

Avec le temps, ceci mena à la conclusion « qu’aucun homme ne pouvait s’autoproclamer roi, car le peuple avait le choix de choisir le roi qu’il désirait », comme cela était déjà prêché à la fin du premier millénaire. Par conséquent, la Bible offrit aussi bien la légitimité que les limitations au trône dans ce qui était encore une société féodale avec un ordre social, du roi au paysan, ‘institué par Dieu’.

Au 16ème siècle, tandis que la Réforme explosait en Europe, et que la Bible était traduite dans les langues des peuples européens, celle-ci devenait un instrument d’insurrection – exactement comme l’avait craint l’église conservatrice. Des traducteurs de la Bible, tels Erasme, Luther et Tyndale, voulaient rendre la Parole de Dieu disponible « au laboureur et à la prostituée » d’un côté, mais prêchaient cependant l’obéissance aux autorités régnantes de l’autre. Avec leurs amis traducteurs de la Bible et réformateurs, ils avaient malgré tout libéré les forces de la démocratie spirituelle. La Bible était pour tous, et ceci avait des implications démocratiques profondes.

À Genève, Jean Calvin développa une pensée réformatrice avec des conséquences révolutionnaires. Trotski, compagnon révolutionnaire de Lénine, considérait que Calvin était une des deux personnalités les plus révolutionnaires de l’histoire occidentale, au même titre que Marx. Sur base de 1 Samuel 8, Calvin enseignait au sujet des dangers de la monarchie, du besoin d’un gouvernement limité, et que l’autorité royale était subordonnée aux conditions de l’alliance de Dieu. Le modèle mosaïque des anciens élus par le peuple (Exode 18) inspira aussi bien un gouvernement d’église d’anciens élus qu’un gouvernement civil de représentants élus. Calvin introduisit la séparation des pouvoirs dans le gouvernement local, précédent ainsi la doctrine de Montesquieu de deux siècles. Même les meilleurs dirigeants devaient rendre des comptes et avaient besoin de correction mutuelle, enseignait-il.

Les idées inspirées de la Bible se répandirent de Genève vers les provinces néerlandaises, soutenant la rébellion contre les Espagnols et la formation de la République néerlandaise ; vers l’Ecosse où John Knox dirigea la Réforme presbytérienne ; vers l’Angleterre où le gouvernement parlementaire émergea ; vers les colonies américaines qui se libérèrent d’une ‘tyrannie monarchique’ pour mettre en place une république démocratique construite sur la religion chrétienne, comme l’observait Alexis de Tocqueville le siècle suivant.

Les arguments soutenant que les libertés démocratiques avaient d’abord eu besoin de s’émanciper du Christianisme sont réfutés par des recherches récentes démontrant l’influence omniprésente des missions protestantes sur la croissance d’une démocratie stable mondialement : à travers l’expansion de la liberté religieuse, de l’éducation de masse, des impressions en masse, des journaux, des organisations volontaires et des réformes coloniales. (voir The Missionary Roots of Liberal Democracy, Robert Woodberry).

La Bible inspira également directement le nouveau départ de l’Europe d’après-guerre, à travers le pardon et la réconciliation. Le projet européen fut en effet conçu par des hommes comme Schuman et Adenauer, en incarnant les enseignements de Jésus d’aimer Dieu, son prochain et son ennemi.


À la semaine prochaine,

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