On aurait pu vous excuser de penser qu’il s’agissait d’un office religieux, dimanche, de la semaine dernière. La soirée s’est ouverte sur les paroles des premiers versets du premier chapitre de l’Evangile de Jean, projetées sur un grand écran et lues par une actrice : Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu…
Ensuite, l’orateur fut présenté par son hôte, le directeur du centre de débat séculier de Balie à Amsterdam, qui a avoué que le livre récemment publié par son invité, Dominion (Domination), l’avait tellement captivé, lors de ses récentes vacances de ski, que ce n’est qu’après avoir lu les derniers mots qu’il s’en alla skier.
Lorsque l’auteur britannique, Tom Holland, est finalement monté sur scène, il expliqua que le sous-titre de la version anglaise du livre, ‘the making of the western mind’ (le façonnement de l’esprit occidental), était le choix de son éditeur nerveux et athée qui avait peur d’effrayer les lecteurs avec des symboles ou des mentions du Christianisme sur la couverture. Et pourtant, a-t-il expliqué, le livre parlait de la création de la Chrétienté et de la manière dont le Christianisme a construit notre société. Pour sa venue, l’incubation, l’émergence et l’évolution dans le monde de l’antiquité, ce fut certainement le mouvement le plus résolument révolutionnaire de l’histoire européenne. Et peut-être aussi à l’échelle mondiale.
Tom Holland faisait l’analogie que si l’Occident moderne était un bocal à poissons rouges dans lequel nous étions les poissons, alors les eaux dans lesquelles nous serions en train de nager seraient chrétiennes. Ou, illustra-t-il davantage, tout comme la radiation invisible de la catastrophe de Tchernobyl s’est propagée sur une vaste zone, influençant l’environnement dans son ensemble, de même l’influence du Christianisme a été omniprésente mais invisible pour la plupart.
Conteur d’histoires
Jésus a dû se classer comme le conteur le plus influent d’histoires courtes qui ait jamais existé, a affirmé Holland. La puissance de ses récits simples a continué à se répercuter dans le présent. L’histoire du Bon Samaritain, peut-être l’une des plus influentes concernait notre responsabilité de prendre soin des personnes qui peuvent être très différentes de nous. L’ouverture d’Angela Merkel envers les réfugiés a certainement été façonnée par son éducation dans un presbytère où elle a été exposée aux histoires et aux principes de la Bible. Pourtant, poursuivit Holland, Viktor Orbán s’est également appuyé sur l’héritage biblique pour faire passer son peuple comme entouré d’ennemis, conduisant à des conclusions et des résultats très différents .
L’idée de la lumière luisant dans les ténèbres, selon Jean 1:5, s’inspirant des paroles d’Esaïe 9:2, au sujet du peuple qui marchait dans les ténèbres ayant vu une grande lumière, avait profondément façonné la pensée occidentale. Du missionnaire anglais, Boniface, apportant la lumière du Christ à ceux de Saxe vivant dans la superstition, à la Réforme, lorsque Rome était considérée comme incarnant les ténèbres et la superstition, et plus tard jusqu’au Siècle des Lumières qui condamna le Christianisme lui-même, l’image même de la lumière était tirée du Christianisme. Il était pratiquement impossible d’échapper à cet héritage et de se tenir à l’écart de celui-ci, a fait valoir Holland.
Dans son enfance, l’auteur avait été fasciné par l’éclat et l’assurance de l’Empire romain. Il était triste qu’un groupe de moines soit arrivé pour le ruiner. Le soleil disparut alors comme derrière un nuage sombre, pensa-t-il, et l’âge des ténèbres régna jusqu’à l’arrivée du Siècle des Lumières. Il avoue avoir totalement adhéré à ce récit que le Siècle des Lumières a sauvé les gloires de Rome. Pourtant, en écrivant sur Rome, dans son livre Rubicon, il réalisa à quel point César et ses compagnons romains, étaient cruels et durs envers l’humanité, se vantant du nombre d’ennemis qu’ils avaient tués ou asservis . Ses recherches sur les Grecs, les Perses et les Arabes lui ont aussi permis de réaliser à quel point le Christianisme était révolutionnaire, comment il a reconfiguré le cerveau humain avec des suppositions morales et éthiques radicalement différentes sur la nature humaine, lesquelles nous considérons comme acquises aujourd’hui.
Pierre d’achoppement
Car l’histoire clé du récit chrétien était la Passion, l’histoire de la croix, une humiliation publique dans une société où la dignité était l’essence même. Le Christianisme a transformé la croix, symbole romain cruel du pouvoir impérial, en symbole du triomphe des faibles et des impuissants, et du triomphe de Christ sur les puissances de ce monde. La puissance cosmique était inversée. Paul fut le premier à écrire sur le Dieu d’Israël, créateur de l’univers, étant crucifié, une pierre d’achoppement pour les Juifs et une folie pour les païens.
Holland en est arrivé à considérer les lettres de Paul comme les plus influentes jamais écrites, comme des glands aboutissant à des forêts de chênes. Galates 3:28, montré sur la photo ci-dessus, par exemple, devint la source du principe moral fondamental d’égalité sur lequel la civilisation occidentale a été construite.
Même si Jésus n’avait jamais existé, conclut Holland, il resterait le personnage de fiction le plus extraordinaire que le monde ait connu !
Vous pouvez regarder toute la session ici (avec vos amis) et saisir ma question, à la fin, sur les conseils qu’il donnerait aujourd’hui aux dirigeants d’Europe, à la lumière de cet héritage incontournable.
À la semaine prochaine,