La douzième d’une série sur la révolution spirituelle derrière la chute du communisme, il y a trente ans :
La célébration du millénaire du Christianisme en Union Soviétique, en 1988, fut un déclencheur important de la fin du communisme et de l’empire.
En 988, le Grand Prince de Kiev, Vladimir le Grand, se convertit du paganisme slave au christianisme après la consolidation de la Biélorussie, la Russie et l’Ukraine d’aujourd’hui. Une grande statue de Saint-Vladimir surplombe le fleuve Dniepr à Kiev, près de l’endroit où, selon la tradition, il fut baptisé.
En avril 1988, Mikhail Gorbatchev, secrétaire général du Parti communiste, accepta les requêtes du Patriarche orthodoxe russe Pimen de restituer les bâtiments ecclésiastiques, de rouvrir les monastères et d’assouplir les restrictions visant la liberté de conscience et de culte. En retour, Gorbatchev souhaitait que les Chrétiens soutiennent sa politique de perestroika (restructuration), laquelle comprenait la glasnost (ouverture) et la demokratizatsia (démocratisation). Depuis son élection en 1985, Gorbatchev avait concédé d’importants changements en réponse au système soviétique en déclin et avait tenté de progresser vers un ‘socialisme au visage humain’. Il reconnut également la nécessité de mettre un terme à la Guerre froide car l’Union soviétique devait investir 20 pourcents de son PNB dans la défense, contre 6 pourcents pour les Etats-Unis et 3-4 pourcents pour les pays européens.
En 1988, il écrivit sur la nécessité ‘d’élever spirituellement l’individu, de respecter son univers intérieur et de lui donner une force morale’. Sa mère, fervente croyante orthodoxe, l’avait fait baptiser étant enfant. Ses grands-parents gardaient des icônes cachées derrière des photos de Lénine et de Staline. Un entretien de 1992 révéla son ouverture aux croyants lorsqu’il déclara : « Je suis athée…mais pendant longtemps j’ai puisé du réconfort de la Bible. Ignorer l’expérience religieuse a entraîné de grandes pertes pour la société. » Pour que la perestroika réussisse, il savait qu’il avait besoin du soutien des chrétiens.
Porte ouverte
Peut-être qu’il a ouvert la porte davantage qu’il en avait l’intention. Au cours de cette année de commémoration, des dirigeants chrétiens du monde entier, y compris une importante délégation du Vatican, convergèrent vers l’Union soviétique. Le monde entier regardait le président Reagan parler de la liberté religieuse lors de sa visite du monastère restauré de Danilov, siège de l’église orthodoxe russe située sur les rives de la rivière Moskova à Moscou. Cet été-là, des milliers de baptistes et d’autres croyants se rassemblèrent à Kiev, sur le site du baptême de Vladimir. Remplissant les églises jusqu’à déborder, il fut demandé aux croyants de donner leur place aux non-croyants pour qu’ils puissent s’asseoir à l’intérieur. Des milliers de personnes marchèrent ensemble vers le centre-ville pour prier durant la nuit autour d’une statue de Lénine. Des foules se rassemblèrent dans des salles de théâtre pour des évènements évangéliques, dans la capitale de la Moldavie, pendant les huit jours de célébration du millénaire. Beaucoup entendirent l’Evangile être librement prêché, pour la première fois, et des milliers de personnes firent profession de foi cet été-là.
Un comité officieux du jubilé, dirigé par des dissidents religieux célèbres, fit appel, pendant les célébrations, à la libération de tous les prisonniers d’opinion, à des lois garantissant la liberté de religion et de conscience et au droit d’organiser des séminaires. Etonnamment, leurs requêtes furent acceptées. Les Chrétiens furent réintégrés dans les services de soins de santé ; les prisonniers politiques et religieux furent libérés ; l’émigration pour les victimes de la persécution religieuse fut accélérée ; les bâtiments ecclésiastiques furent rouverts. Malgré ces nouvelles libertés, l’ancienne violence a toujours continué à certains endroits.
L’Eglise catholique ukrainienne, aussi appelée Eglise catholique grecque (catholique dans son allégeance, byzantine dans son rite), devint un point focal pour la résistance des Ukrainiens face à l’hégémonie soviétique et russe, comme elle l’était depuis le seizième siècle, lorsqu’elle est devenue un tampon entre l’Eglise orthodoxe et l’Eglise catholique. Des foules à Kiev, exprimant une ferveur tant religieuse que nationaliste se rassemblèrent en soutien à l’église, passant de 100.000 membres, en juin 1989, à 200.000 membres en novembre.
Ce même mois, Gorbatchev rencontra Jean-Paul II qui déclara au dirigeant soviétique, en russe : « Il est nécessaire d’atteindre une liberté, une démocratie, une société qui respecte les êtres humains comme valeur suprême. Il est nécessaire de donner aux gens la possibilité de choisir, y compris de choisir leur religion. »
Coup d’Etat
Bien que 1989 fût l’année de la rupture décisive avec l’hégémonie soviétique pour la RDA, la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Roumanie et la Bulgarie, l’indépendance pour les républiques soviétiques arriva deux ans plus tard. Les Etats baltes, ainsi que l’Arménie et la Géorgie, se libérèrent de l’emprise soviétique, et même la République russe, sous Boris Eltsine, déclara sa souveraineté en juin 1990, limitant ainsi le contrôle soviétique.
En août 1991, le vice-président Gennady Ianaïev dirigea un noyau de communistes extrémistes désireux de rétablir le contrôle marxiste de la vieille école. Alors que Gorbatchev était en vacances en Crimée, ils annoncèrent qu’il était malade et déclarèrent l’état d’urgence. Ils ordonnèrent aux chars et aux troupes d’encercler la Maison Blanche, le bâtiment du parlement à Moscou, réimposèrent les restrictions à la presse, interdirent les manifestations et annoncèrent des couvre-feux.
Cependant, des foules atteignant des milliers de personnes barricadèrent la Maison Blanche, et Eltsine ordonna à l’armée et aux unités du KGB de se retirer. Ce fut un moment de décision fatidique. Plusieurs Chrétiens jouèrent un rôle clé en persuadant l’armée de se retirer. Parmi eux, le prêtre orthodoxe russe, le Père Alexander Borisov, nouvellement élu au Conseil municipal de Moscou, convainquit le conseil de demander aux troupes de ne pas attaquer les civils : « Vous êtes responsables devant Dieu. ‘Vous ne tuerez point’. »
Le dissident chrétien Alexander Ogorodnikov, qui avait passé neuf ans en prison, fut parmi les premiers à confronter les soldats devant le parlement avec des appels écrits. Avec d’autres personnes, ils commencèrent à construire une chaîne humaine autour du parlement, avec Eltsine, des membres de son gouvernement et des journalistes à l’intérieur. Des prêtres distribuaient la communion aux manifestants sachant qu’ils pourraient facilement être écrasés par les chars si les conducteurs obéissaient aux ordres. Ogorodnikov plaida avec un officier : « Ne faites pas couler le sang de notre peuple russe. » Au deuxième jour du coup d’Etat, trois personnes avaient été tuées par des balles ou par des chars.
Dans sa robe sacerdotale, Père Alexander aida à distribuer trente boîtes de Nouveaux Testaments aux soldats de la centaine de chars assiégeant le parlement, se signant à chaque fois qu’il s’approchait de chaque char. Shirinai Dossova, une évangéliste dynamique et fondatrice d’église, que ma femme et moi connaissons personnellement, frappa avec persistance sur la trappe d’un char jusqu’à ce que le soldat déconcerté l’ouvre pour voir une Bible lui être lancée. « Allez-vous nous tuer ? » demanda-t-elle. « Ce livre dit que vous ne devez pas tuer ! »
Lorsque l’électricité du bâtiment du parlement fut coupée, à minuit le deuxième jour, une attaque semblait imminente. Mais à l’aube, aucune attaque ne s’était produite. Au lieu de cela, les chars et les troupes se retirèrent. En moins de 48 heures, les auteurs du coup d’Etat furent tous arrêtés. En décembre, l’URSS était dissoute et remplacée par la Communauté des Etats indépendants.
Plus tard, le chef du Parquet enquêtant sur le coup d’Etat, attribua l’avortement du coup d’Etat à Eltsine et aux défenseurs désarmés entourant la Maison Blanche. La conscience avait prévalu sur les chars.
À la semaine prochaine,