A quelques pas d’où j’habite, en face de la Gare Centrale d’Amsterdam, vous trouverez de nombreux endroits associés à la traite des esclaves entre l’Afrique de l’Ouest et les Antilles, le Brésil et le Surinam. La ville d’Amsterdam était elle-même copropriétaire du Surinam et des réunions de la Société du Surinam, décidant du sort de plusieurs milliers d’esclaves, ont eu lieu dans l’hôtel de ville.
Autrefois tolérée par les églises et les institutions politiques, la traite des esclaves est aujourd’hui un embarras pour les Néerlandais libéraux. Récemment, le Rijksmuseum a annoncé que le terme ‘Âge d’or’ ne serait plus utilisé pour désigner le dix-septième siècle prospère, car il n’y avait rien ‘d’or’ dans la richesse générée par le travail forcé. L’esclavage est illégal, aux Pays-Bas et dans ses colonies depuis 1863, et est condamné au niveau international.
Pourtant, aujourd’hui, juste sous nos yeux, l’esclavage continue ici-même, au cœur d’Amsterdam. L’histoire se répète dans les villes d’Europe et du monde. Bien que condamnée par le droit international, les déclarations de l’ONU et de l’UE, une traite mondiale des esclaves abuse de 25 millions de femmes, d’enfants et d’hommes, plus que jamais dans l’histoire, rapportant chaque année 150 milliards € (!!) aux réseaux mondiaux de trafiquants et de proxénètes. La majeure partie du commerce implique l’exploitation sexuelle des femmes et des filles, alors que le travail forcé dans d’autres domaines comprend de nombreux enfants.
Cette traite des esclaves est protégée par l’ignorance et l’indifférence de la part de personnes comme vous et moi, le manque de volonté politique et une attitude faussement ‘libérale’ envers les autres êtres humains. L’argument est ancestral. Un philosophe du 17ème siècle à Amsterdam invoquait que la prostitution était nécessaire pour protéger les femmes de la ville contre les quelque sept mille marins débarquant des 1.500 bateaux amarrés dans le port de la ville.
Paradoxalement, la tradition du ‘quartier rouge’ fut initiée par des membres de la Oude Kerk (Vieille église) d’Amsterdam, au centre du tristement célèbre quartier de la ville Rosse-Buurt. Pour protéger leurs femmes contre les agressions sexuelles, ils insistaient pour que les maisons closes soient signalées par une lampe rouge au-dessus de la porte, une pratique qui est désormais reproduite dans le monde entier.
Cours?
Devrions-nous être fiers de nos villes et pays ‘libéraux’ où le ‘plus vieux métier’ a été légalisé et peut être exercé en toute transparence ? Romkje et moi-même avons assisté à une réunion électorale pour le conseil municipal d’Amsterdam où une candidate féminine du parti libéral a soutenu que la prostitution était une profession comme n’importe quelle autre. « Alors, » a fait remarquer une candidate chrétienne, « allons-nous aussi commencer à donner des cours de prostitution à l’école secondaire ? »
Après le Petit-déjeuner de prière annuel du Parlement européen, à Bruxelles, la semaine dernière, j’ai participé à une table ronde sur l’esclavage moderne au cours de laquelle Amsterdam fit l’objet d’un examen particulièrement attentif. Aux côtés de plusieurs experts dont John Richmond, l’Ambassadeur américain pour la traite des personnes, l’Anglaise Jane Lasonder raconta son histoire d’avoir été battue et abusée par un beau-père et forcée de se prostituer.
Jane demanda comment il était possible de légaliser le viol quotidien de femmes qui sont forcées, contre leur gré, d’avoir des relations sexuelles avec plus de vingt hommes par jour, s’anesthésiant avec de la drogue, détestant profondément les hommes mais n’osant souvent pas quitter leur emploi. Quel genre de libéralisme défend la liberté des hommes d’exploiter des femmes vulnérables ? Qu’est-ce qui ne va pas dans une société, demanda-t-elle, qui tolère comme ‘large d’esprit ’le défilé quotidien des touristes et même des écoliers devant les fenêtres où des femmes, légèrement vêtues, se montrent pour essayer de faire le quota quotidien de clients que leurs proxénètes exigent ? Est-ce que légaliser la prostitution la rend juste ? Pourquoi le public n’est-il pas aussi gêné par la traite actuelle des êtres humains que par le passé trouble ?
Menaces
Elle a raconté avoir rendu visite à des femmes derrière les fenêtres à Amsterdam et avoir vu des groupes d’écoliers, menés par leurs enseignants, parler de ‘notre culture ouverte et cultivée’. Dans son livre ‘Red Alert’ (Alerte rouge), Jane raconte son propre parcours à travers les Pays-Bas, l’Angleterre et Israël ainsi que des entretiens (dans le plus grand secret) avec une douzaine d’autres femmes forcées de travailler dans la rue et derrière les fenêtres.
Malgré les menaces de mort de la part de proxénètes, Jane insiste sur le fait que ces histoires doivent être racontées pour changer la mentalité publique. « Cela me met hors de moi! » déclara-t-elle à son public bruxellois, qui lui fit une ovation debout.
Avant sa nomination politique, l’Ambassadeur Richmond a vécu pendant trois ans en Inde luttant contre la traite des êtres humains dans le secteur sans but lucratif, en collaboration avec International Justice Mission (Mission de Justice internationale).
L’esclavage n’est pas devenu répréhensible en 1948, avec la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, affirme Richmond. Il était condamnable en tout temps. Depuis quelque 4.000 ans, a-t-il déclaré, une certaine forme d’esclavage légalisé existe dans tous les pays du monde. Ce n’est qu’au cours des 220 dernières années, une infime partie du temps, que les nations ont commencé, une à une, à reconnaître les horreurs de l’esclavage et à adopter des lois pour restreindre la traite des esclaves et émanciper les personnes touchées.
Ce changement, a-t-il ajouté, a commencé avec un petit groupe de croyants dévoués. Cela peut se reproduire.
À la semaine prochaine,