Les larmes ont coulé lors de l’émouvante séparation des membres pro-Union européenne de la délégation britannique au Parlement européen, ce mercredi.
Pendant que Nigel Farage menait son parti anti-Union européenne dans un adieu provocateur, en agitant le Union Jack, une interprétation spontanée d’Auld Lang Syne s’amplifia dans l’assemblée circulaire :
Should old acquaintance be forgot, and ne’er brought to mind?
Should old acquaintance be forgot, and auld lang syne?
(Faut-il oublier une vieille connaissance et ne pas y penser ?
Faut-il oublier une vieille connaissance, pendant très longtemps ?
Pour certains, entonner le chant populaire traditionnel écossais exprimait l’espoir qu’une Ecosse indépendante puisse retrouver un jour son chemin vers le Parlement européen. Rien de dramatique ne s’est produit depuis vendredi minuit, lorsque le divorce de la Grande-Bretagne avec l’Union européenne est devenu réalité. Et pourtant, tout à coup, tout est différent. Le point de non-retour a été franchi.
Les divorces sont presque toujours compliqués, et celui-ci ne fait pas exception. Les onze prochains mois de négociations intenses et frénétiques détermineront à quel point ce Brexit sera difficile. Le référendum de 2016, remporté sur la plus petite des marges, me semble être un vote pour le plus doux de tous les Brexits, mais cela ne semble pas être la façon dont la politique britannique fonctionne.
Les enfants souffrent généralement le plus du divorce. De nombreux jeunes se sentent désormais empêchés d’appartenir à une communauté plus large par ceux qui aspirent au « bon vieux temps » lorsque l’Empire a conquis les océans.
Trop important
Cependant, le Brexit nous oblige tous à réfléchir sur le type d’Europe que nous voulons, et pour les Chrétiens, au type d’Europe que Dieu voudrait. C’est une tâche trop importante pour être laissée aux politiciens. Nous sommes tous concernés et impliqués.
Les Brexiters ont raison. Tout ne va pas bien dans le cœur de l’Union européenne. Il y a septante ans, cette année, Robert Schuman a choisi de pardonner et d’accueillir l’ennemi héréditaire allemand en proposant la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier. Cependant, il ne serait pas satisfait de tout ce dont l’Union européenne représente aujourd’hui.
Schuman a insisté dès le début sur le fait que l’intégration devait être progressive; qu’elle devait être transparente ; et qu’elle devait être démocratique. Le projet ne doit pas être considéré comme essentiellement économique et technologique, a-t-il souligné : il avait besoin d’une âme.
En 1992, Jacques Delors, alors président sortant de la Commission européenne, a déclaré aux dirigeants politiques, civiques et religieux : « Si, dans les dix ans, nous n’avons pas réussi à donner une âme, une spiritualité, une signification à l’Europe, nous aurons perdu la partie. »
‘Etats-Unis d’Europe’
Près de deux décennies après son échéance, il devient de plus en plus évident que la maladie racinaire du projet européen est le manque d’âme, l’appauvrissement spirituel. La vision de Schuman sur l’humanité était celle d’êtres spirituels et sociaux, et était partagée par ses collègues, l’Allemand Adenauer et l’Italien De Gasperi. Pour lui, ce sont les personnes, et non l’économie, qui devraient être au cœur de la vision de l’Union européenne. L’âme de l’Europe, sa source de vie de valeurs, de sens et de solidarité, était la compréhension chrétienne de Dieu, de l’humanité et de la réalité : perdez cela et vous perdez l’Europe. Sa vision était pour « une communauté de peuples (non pas de nations) profondément enracinée dans des valeurs chrétiennes fondamentales ».
Cela peut en surprendre beaucoup que Schuman, Adenauer et De Gasperi aient construit sur des fondations posées, au moins partiellement, par Winston Churchill au Missouri, en mars 1946, lorsqu’il déclara que « Depuis Stettin sur la Baltique jusqu’à Trieste sur l’Adriatique, un rideau de fer est tombé sur le continent ». Indignant les Russes, bouleversant le président Truman et provoquant une motion de censure parlementaire, son discours provocateur faisait aussi appel à « une nouvelle unité en Europe dont aucune nation ne devrait être définitivement exclue. »
Six mois plus tard, à Zürich, en Suisse, Churchill développa davantage son idée. En guise de remède à la « série d’affreuses querelles nationalistes » qui avaient détruit la paix en Europe, il proposa « de recréer la Famille européenne… et de lui fournir une structure en vertu de laquelle elle puisse vivre en paix, en sécurité et en liberté. Nous devons construire une sorte d’Etats-Unis d’Europe ». Un an seulement après la fin de la guerre, Churchill a stupéfait son public en proposant la réconciliation avec l’Allemagne vaincue et en appelant la France et l’Allemagne à conclure un partenariat pour construire une sorte d’Etats-Unis d’Europe : « nous devons tous tourner le dos aux horreurs du passé et regarder vers l’avenir. »
Encore une fois, nous devons regarder vers l’avenir. Nous devons reconnaître que le passage, au fil des ans, de fondations spirituelles à des fondations séculières, contre lequel Schuman a mis en garde, a sapé la stabilité. Car, comme l’a fait remarquer l’éminent juriste allemand, Ernst-Wolfgang Böckenförd : « l’Etat libéral et séculier vit de conditions qu’il ne peut garantir lui-même»
« Une Europe forte dans un monde de défis » est le thème de l’actuelle présidence croate de l’Union européenne. Mais une Europe forte a besoin de bases solides. Venez explorer ce thème avec nous lors du Forum sur l’Etat de l’Europe de cette année à Zagreb, les 8 et 9 mai prochains, à l’occasion du septantième anniversaire de la Déclaration Schuman.
À la semaine prochaine,