Les Britanniques décideront, jeudi de la semaine prochaine, s’ils resteront ou non dans l’Union européenne. Les derniers sondages montrent un basculement vers un vote de sortie. Ce serait une décision avec d’énormes conséquences pour nous tous qui vivons sur le continent.
Parfois (lorsque je perds de vue le tableau d’ensemble), je me retrouve sympathisant avec l’idée que l’Union européenne serait en meilleure posture sans des Européens mitigés ; car la résolution des nombreux défis actuels de l’Union européenne demande une intégration plus poussée et une action collective, impossible avec un Royaume-Uni obstructionniste restant dans le club.
Cependant, en prenant du recul afin d’avoir une vue plus large, je crains qu’à la fois le Royaume-Uni et l’Union européenne ont plus à perdre en ‘élargissant’ la Manche. Pour l’illustrer, permettez-moi de citer quelques sources britanniques influentes.
Robert Innes, Evêque du Diocèse de l’Eglise anglicane en Europe : ‘Beaucoup de discussions au sujet de l’Europe au Royaume-Uni se font à un niveau très bas et mal informé. Il est impossible de vivre à Bruxelles longtemps sans prendre conscience d’ô combien à quel point les attitudes britanniques apparaissent insulaires pour ‘le continent’. Nous semblons souvent ne vouloir que l’accès: être dedans, mais ne pas prendre part au projet européen ; remettre constamment en question notre implication. Ne pouvons-nous réellement pas faire mieux que de critiquer en restant à l’écart ? La remise en question et le scepticisme constants ont, eux-mêmes, réduit l’influence britannique, ce qui rend la négociation des changements que nous aurions apparemment besoin pour pouvoir rester dans l’Union, d’autant plus difficile.
‘Bien que l’Union européenne ne soit pas parfaite, quelque chose de similaire devrait alors être réinventé, si elle n’existait pas. Je veux le débat… d’être préoccupé de savoir si l’Union européenne d’aujourd’hui est encore capable d’engendrer ou non ces belles valeurs fondatrices de réconciliation, de pacification, de relations de bon voisinage et de solidarité.’
Rowan Williams, ancien Archevêque de Cantorbéry : ‘Ma crainte est que si la Grande-Bretagne se retire de l’Europe, elle se retirerait de son propre héritage. En Grande-Bretagne, nous n’avons pas été si mauvais dans le partage et l’apprentissage des autres. En parlant en des termes isolationnistes, nous courrons le risque de clouer nos couleurs sur un mythe.’
Justin Welby, actuel Archevêque de Cantorbéry, écrivait dans le Daily Mail d’hier au sujet d’une vision de paix et de réconciliation, d’être des constructeurs de ponts et non de barrières. ‘Je n’ai en aucun cas de révélation divine pour la bonne réponse. Mais pour ma part, je voterai pour rester.’ Mettant en garde contre la tentation de ‘succomber à nos pires instincts’ en ce qui concerne l’immigration, l’Archevêque disait qu’il voterait pour rester, le 23 juin prochain, afin de prévenir les dommages économiques qui pourraient nuire aux plus pauvres.
Julian Lindley-French, spécialiste de la sécurité et conseiller de l’OTAN, (contributeur au Forum sur l’état de l’Europe, le mois dernier à Amsterdam) : ‘Il y a beaucoup de choses au sujet de l’Union européenne que je trouve écœurantes, et même potentiellement hostiles à la démocratie. Cependant, le monde est trop dangereux et l’Europe trop instable pour que la Grande-Bretagne ne sorte à tout va. Je veux la Grande-Bretagne, une des cinq plus grandes puissances politique, économique et militaire au monde, dans l’Union européenne, se battant comme un lion pour une super-alliance des Etats-nations dans lesquels le pouvoir reste proche des gens et responsable devant eux.
‘Brexit est un symptôme d’une grande crise stratégique en Europe. C’est précisément parce que l’Europe est en crise que je ne peux pas tolérer que la Grande-Bretagne, la première puissance militaire d’Europe et la deuxième plus grande économie, quitte l’Union européenne en ce moment. Je me décrirais comme un europhile eurosceptique. Je crois profondément en une coopération européenne, mais rejette complètement l’idée dangereuse d’un super-Etat européen. L’Union européenne est un fait de la vie – à prendre ou à laisser. Même Jean-Claude Juncker a admis que l’Union européenne avait besoin d’un nouvel accord politique afin que l’Eurozone et la non-Eurozone puissent cohabiter.
‘Ceci est un moment stratégique dangereux. Chacun d’entre nous, dans l’Union européenne, a besoin d’être concentré sur les événements en Russie et au Moyen-Orient, et pourtant nous ne le sommes pas. Le référendum écossais a effectivement paralysé le gouvernement britannique pendant deux ans. Whitehall est de nouveau paralysée par la campagne menant à ce référendum. Les négociations du Brexit prendront au moins deux ans, plus probablement cinq ans ou plus. Notre élite stratégiquement illettrée n’a pas besoin d’énormément d’excuses pour retirer à nouveau ses yeux collectifs du tableau stratégique d’ensemble.
‘En janvier 2016, j’étais dans la neige lituanienne, non loin de la frontière avec la Russie. En novembre 2015 et en mars 2016, des attentats terroristes ont eu lieu à Paris et à Bruxelles. L’Europe est coincée entre deux grandes et mauvaises luttes, avec de grandes et mauvaises forces. Nous ne pouvons pas simplement nous isoler. Nous devons rester avec nos amis et alliés, à la fois dans l’OTAN que dans l’Union européenne.
‘Un Brexit aujourd’hui enverrait tous les mauvais signaux à toutes les mauvaises personnes.’
Steve Clifford, Directeur général de l’Alliance évangélique au Royaume-Uni : ‘Par dessus tout, nous devrions nous rappeler de prier, pour une voie à suivre constructive pour ce pays, pour l’Union européenne et pour une Europe où le nom de Jésus continue à être connu et proclamé.’
À la semaine prochaine,