Il se décrivait lui-même comme un homme de paradoxe. Il était dramaturge dissident devenu Président de la Tchécoslovaquie, après la Révolution de Velours en 1989. Son nom était Vaclav Havel.
Activiste politique, il n’avait jamais voulu devenir un politicien. Ecrivain de littérature, il n’était pas un critique littéraire. Dramaturge, il n’aimait pas aller dans la plupart des théâtres.
Bien que n’étant pas un croyant actif, il voyait la source du problème des temps modernes comme ‘le grand départ de Dieu’ dans notre monde, sans précédent dans l’histoire. La crise du monde était, selon lui, directement liée à la condition spirituelle de la civilisation moderne, à la perte d’une expérience du transcendantal et de toute autorité morale super-personnelle.
« Dès que l’homme a commencé à se considérer lui-même comme la source de la plus haute signification dans le monde et la mesure de tout » écrivait-il dans Disturbing the peace (Déranger la paix), « le monde a commencé à perdre ses dimensions humaines, et l’homme a commencé à en perdre le contrôle ».
Havel aurait eu 80 ans, ce mois-ci, s’il n’avait pas succombé à plusieurs conditions physiques déclinantes, il y a cinq ans. Des événements commémorant sa vie et son œuvre sont organisés tout au long de cette année en République Tchèque.
Dialogue
La semaine dernière, la 20ème Conférence Forum 2000 s’est tenue à Prague, un événement organisé pour la première fois, par Havel en 1997, afin de discuter des défis auxquels l’humanité est confrontée, à l’aube d’un nouveau millénaire. Durant ces deux décennies, le forum a rassemblé des centaines de dirigeants politiques, intellectuels, spirituels et du monde des affaires, afin d’aborder les questions relatives à la démocratie, les Droits de l’Homme, la société civile et le dialogue religieux. Parmi ceux-ci figuraient Henry Kissinger, Zygmunt Bauman, Elie Wiesel, Bill et Hillary Clinton, Boutros Boutros-Ghali, le Dalai Lama et Aung San Suu Kyi du Myanmar.
Ceux qui, comme moi, arrivent à l’Aéroport International de Prague, portant le nom de Havel, ont sans doute remarqué un paradoxe supplémentaire : il détestait prendre l’avion.
Il détestait aussi ce qui se passait dans sa propre société tchécoslovaque sous le communisme. Au milieu des années 70, il lança une campagne pour réveiller la conscience de la nation afin qu’elle refuse de vivre sous le mensonge. Il relança l’appel du réformateur tchèque du 15ème siècle, Jan Hus, et plus tard en fit sa devise présidentielle : La vérité vaincra. Il déclara à plusieurs reprises que « la vérité et l’amour doivent triompher du mensonge et de la haine».
Sa campagne éclata dans la Révolution de Velours, en 1989, et renversa le régime communiste. Havel, par plébiscite populaire, fut envoyé au palais en tant que président de la Nation.
Ceci était mon second forum. Trois choses m’ont particulièrement impressionné. Une d’entre elles était la passion et le souci pour la justice et les Droits de l’Homme, par des gens de toutes confessions et d’aucune. Cela m’a fait réfléchir aux paroles de Jésus que « même les pierres crieront ». Ou de ceux qui disaient : « Mais Seigneur, quand t’avons-nous vu en prison? » Je pensais à l’expression de grâce commune, par laquelle les théologiens parlent de l’activité de Dieu dans le monde, en dehors de l’Eglise.
Je fus également impressionné par le respect et l’ouverture aux perspectives de foi exprimées par les différents intervenants au forum – un changement réconfortant face au cynisme et aux préjugés souvent rencontrés en Europe occidentale où les intellectuels ne sont pas censés ‘faire du Dieu’. Havel observa de sa propre expérience qu’une société qui a supprimé le métaphysique, était dangereuse. Une session du forum explora le paradoxe de la religion qui peut aussi bien unir que diviser.
Incroyable
Enfin et surtout, c’était le rôle joué par les femmes dans l’agitation pour la justice. Un film sur le rôle crucial, mais oublié, que les femmes ont joué dans le mouvement Solidarnosc en Pologne, mettait en évidence une histoire encore vécue, aujourd’hui, par des femmes courageuses dans le monde entier. Certaines d’entre elles étaient présentes au forum : de Corée du Nord, de Cuba, de Chine, de Russie, d’Arabie Saoudite et du Venezuela.
Le paradoxe de notre époque, avec le populisme, le nationalisme et l’autoritarisme en croissance, était exploré par le Premier ministre de Slovaquie, Andrej Kiska, dans son message d’ouverture : « Cela semble irréel d’imaginer que quelqu’un ne voudrait pas que l’Europe soit un endroit de paix, maintenant et pour toujours. Seul un fou voudrait retourner aux siècles de l’évolution des Droits de l’Homme et de la société civile. » Pourtant, continuait-il : « Aujourd’hui, beaucoup d’entre nous se sentent profondément inquiets que ce scenario incroyable se passe sous nos yeux. Il y a un danger clair et présent que beaucoup d’entre nous pensaient ne jamais voir se réincarner à nouveau. C’est la montée du nationalisme, de l’extrémisme et du racisme.…Nous avons soudainement le sentiment que l’histoire désagréable de l’Europe est de retour. »
On lisait ceci dans l’introduction du programme du forum : Le leadership démocratique d’aujourd’hui semble être en crise. Est-ce que les systèmes démocratiques actuels sont incapables de générer de vrais leaders ? Est-ce que l’autoritarisme croissant dans le monde est la conséquence de la faiblesse du leadership démocratique ? Où sont les Havel, les Churchill, les Mandela d’aujourd’hui ?
Vous pouvez visionner vous-mêmes les vidéos du forum ici afin de trouver vos propres réponses à ces questions pressantes.
P.S. Le premier événement du Salon Schuman à Bruxelles sera l’excursion, ce samedi 29 octobre, à la maison d’Erasme à Anderlecht, deux jours après l’anniversaire d’Erasme et deux jours avant avant la Fête de la Réformation. Thème : Erasme et la Réforme. Tous sont les bienvenus au : Boulevard Charlemagne 37 à 1000, Bruxelles, 14.00-18.00.
À la semaine prochaine,