Le nationalisme, le patriotisme et le christianisme

juin 6, 2016

Il y a vingt-cinq ans, Sir Fred Catherwood donna trois conférences à Londres sur le christianisme contemporain. Il commença par le thème Une Europe unie – peut-elle fonctionner ? Le suivant fut le nationalisme, le patriotisme et le christianisme. Finalement, il exposa le thème vers une plus grande démocratie. Celles-ci furent ensuite publiées en format livre, par la maison d’édition IVP, avec quelques chapitres et annexes additionnels, sous le titre Pro-Europe ?

Ne parvenant pas à retrouver ma vieille copie écornée, alors que le débat du Brexit pointait à l’horizon, je l’ai remplacée via Amazon pour le prix d’un cent + frais d’envois. Il était intéressant de le lire à la lumière du débat actuel qui agite les peurs et les incertitudes, non seulement en Grande-Bretagne, mais sur le continent et même au-delà.

Sir Fred est décédé en 2014, après une brillante carrière dans le monde des affaires, de l’industrie et de la politique. Il a occupé la fonction de vice-président du Parlement européen (1989-91), et ensuite celle de président de l’Alliance évangélique du Royaume-Uni (1992-2001). Sans le savoir, il m’a servi de mentor à travers ses livres et ses discours, au début des années 90, alors que je cherchais ‘les mères et les pères’, avec le cœur de Dieu pour l’Europe, dans mon nouveau rôle de direction de Jeunesse en Mission Europe.

Alors que beaucoup de choses ont changé dans ce quart de siècle – l’Union européenne, alors appelée la Communauté européenne, ne comptait que douze membres, et l’euro n’était pas encore en circulation – Sir Fred traitait déjà à l’époque de certains des problèmes, aujourd’hui débattus avec véhémence, sur la Grande-Bretagne et ‘l’Europe’.

Voici quelques passages de son chapitre sur le nationalisme, le patriotisme et le christianisme.

Le nationalisme est source de divisions

Sir Fred : « Pourquoi, à certains moments, la Grande-Bretagne a-t-elle été mise en minorité, à 11 contre 1, lors des sommets européens des dirigeants de la Communauté ? Etait-ce parce que les intérêts britanniques étaient en quelque sorte différents de ceux de l’ensemble des onze pays, même nos amis les plus proches ? Où existait-il un certain ‘facteur X’ à l’œuvre en Grande-Bretagne et pas dans les autres onze Etats membres ?

« Je crois qu’il y avait et qu’il y a un ‘facteur X’. Il est appelé ‘nationalisme’. Je ne crois pas que la majorité des gens en Grande-Bretagne soient nationalistes – certainement pas la jeune génération. Mais c’est évidemment un facteur beaucoup plus puissant chez nous que chez nos partenaires de la Communauté. »

« Il est facile de reconnaître le nationalisme dans d’autres pays, mais il est plus difficile de le reconnaître dans le nôtre. Lorsque Madame Thatcher donna sa conférence annuelle au Collège de l’Europe à Bruges (Belgique) (1988), nos collègues du Parlement européen l’ont jugée nationaliste. Leur plus forte objection n’était pas qu’elle défendait la nécessité de maintenir une identité nationale – avec laquelle ils étaient tous d’accord – mais que son affirmation centrale, que l’identité nationale de la Grande-Bretagne était menacée, avait des relents de rhétorique nationaliste qui doit toujours trouver un ennemi extérieur. Etant donné qu’aucun d’entre eux ne croyait que leurs identités nationales étaient menacées, ils virent ceci comme une incitation délibérée et dangereuse de sentiments nationalistes à des fins politiques. Et ils ne confondent pas le nationalisme avec le patriotisme. »

« Le nationalisme sonne bien auprès de notre propre peuple, mais il a un son très différent et beaucoup plus hostile auprès des peuples voisins. Le nationalisme, comme le racisme, est séparatiste et diviseur. ‘L’Angleterre pour les Anglais’ mène à ‘l’Ecosse pour les Ecossais’, ‘le Pays de Galles pour les Gallois’ et ‘l’Irlande pour les Irlandais’. Après vingt ans de tueries en Irlande du Nord, le nationalisme ne semble plus être une si bonne idée en Irlande, ni même la réaction égale et opposée à celle-ci. »

Le patriotisme est inclusif

« Nos partenaires de la Communauté croient que le patriotisme est l’amour pour son propre pays et une volonté de le servir. Cela n’est pas suffisant pour le nationalisme, qui a besoin d’ennemis. Le patriotisme est rationnel. Il essaie de trouver des intérêts communs avec d’autres pays pour réaliser ensemble ce qui ne peut l’être seul. Le nationalisme est irrationnel ; il a la plus profonde méfiance envers tous les étrangers, et des relents de suspicion. Le patriotisme donne à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. Mais au final, le nationalisme veut une allégeance totale, parce que c’est plus que de la politique. C’est une religion. Le patriotisme est inclusif. Un patriote espagnol peut être un bon Européen. Le nationalisme est exclusif et isolationniste, et ne ressent aucun besoin d’amitié. Son slogan est un ‘Nous seuls’ étouffant et imbu de lui-même. »

« Voir son propre pays à travers d’autres yeux nous rend conscients d’un nationalisme anglais que nous n’avions jamais remarqué auparavant. Le nationalisme n’est pas, comme le prétendent ceux qui le soutiennent, une question de protéger les intérêts britanniques ; c’est une croyance religieuse pour laquelle le Union Jack ou la Croix de Saint-Georges devient l’emblème religieux. Nous avons encore un reliquat de la propagande irrationnelle et anti-européenne, qui a été diffusée la plupart du temps, au peuple britannique, depuis que nous sommes devenus membres de la Communauté (1973), et qui continue à éclater encore. Cet antagonisme ne sert aucun intérêt britannique. Au contraire, il met la Grande-Bretagne sur la touche. »

À quel point les préoccupations de Sir Fred sont toujours pertinentes en Grande-Bretagne aujourd’hui, c’est ce que le public britannique devra décider dans à peine 17 jours. Ma préoccupation est de savoir à quel point Sir Fred  voudrait s’adresser à d’autres Etats membres aujourd’hui, où le spectre hideux du nationalisme resurgit.


À la semaine prochaine,

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