Un pique-nique d’espoir

août 19, 2019

Il y a trente ans aujourd’hui, un événement apparemment innocent eut lieu à la frontière entre la Hongrie et l’Autriche, lequel catalysa la chute du Mur de Berlin. Nous avons déjà partagé cette histoire. Les efforts actuels de certains de revenir en arrière, et une génération vivant sans mémoire de la chute du communisme, fait que cette histoire doit être souvent répétée.

Un panneau sur une route en terre menant à une barrière rouge et blanche marquant la frontière entre l’Autriche et la Hongrie en dehors de Sopron porte les paroles d’Helmut Kohl, l’ancien chancelier allemand : L’histoire a été écrite sur cette route de forêt.

Un immense champ d’herbe s’étend sur la gauche. S’élevant au-dessus des arbres se trouve la silhouette sinistre d’une tour de frontière. Ici, le 19 août 1989, plus de 10.000 personnes ont répondu à une invitation de participer à un pique-nique pour célébrer une future Europe ‘sans frontières’.

L’idée était née en mai de la même année lors d’un souper à Debrecen, à l’est de la Hongrie. Les membres du parti de l’opposition, le Forum démocratique hongrois, avait rencontré Otto de Habsbourg du Parlement européen afin de discuter leur plan.

Le changement était déjà dans l’air et, à cet endroit près de Sopron, les fils barbelés du Rideau de Fer avaient déjà été partiellement sectionnés le 27 juin par les ministres des Affaires étrangères d’Autriche et de Hongrie. La barrière rouillée était mal entretenue et souvent, l’alarme électronique était déclenchée par les oiseaux. Au lieu de la remplacer, les autorités hongroises avaient décidé de liquider le Rideau obsolète, le transformant en une ‘frontière verte’ avec des patrouilles. Le pique-nique célébrait cette étape mais avait aussi pour objectif d’exiger une frontière ouverte et les déplacements sans visa.

Jubilé

Un air de jubilé régnait alors que les milliers de personnes – aussi bien des Hongrois que des Allemands de l’Est en vacances – se sont empressés vers ce passage frontalier. Ils ont commencé à aider à enlever les fils barbelés, certains les bourrant dans les coffres de leurs Trabant pour les ramener à la maison comme souvenirs.“Baue ab und nimm mit!” (Rompez-les et prenez-les avec vous) devint le slogan du pique-nique.

Une ouverture symbolique de la frontière était prévue, avec une brève marche de l’autre côté de la frontière par une délégation. Une conférence de presse semblait trop retarder la procédure pour beaucoup d’Allemands de l’Est, qui avaient commencé à se rassembler par milliers en Hongrie où, sans visa, ils pouvaient partager leurs vacances au Lac Balaton avec leurs parents allemands de l’Est.

A environ 15:20, alors que la conférence de presse traînait encore, plusieurs centaines d’Allemands de l’Est ont commencé à déferler contre la barrière de frontière en bois, la franchissant soudainement et courant vers l’Autriche. Les gardes hongrois étaient toujours sous les ordres de tirer sur quiconque chercherait à franchir la frontière illégalement. Des jeunes personnes ayant simplement leurs vêtements d’été dans leurs sacs et s’agrippant à leur bagage à main, des couples avec de jeunes enfants, ont commencé à courir avec la foule, les larmes coulant sur leurs visages. Certains sautaient en extase alors qu’ils passaient à travers la barrière couverte de fils barbelés. D’autres se sont arrêtés pour embrasser le sol autrichien. Le moment de leurs rêves était subitement devenu réalité.

Les gardes n’ont pas tiré. Un d’entre eux s’est abaissé pour reprendre un petit enfant tombé lors de la ruée, et l’a rendu à sa mère. Environ six cents personnes ont franchi la frontière avant que les gardes ne puisse réussir à refermer de nouveau la barrière.

Lors de la confusion qui s’ensuivit, selon certains comptes rendus, Budapest a appelé Moscou. La réponse de Gorbatchev était : « Nous n’aurons pas un autre 1956. »

Abandonnées

Les Trabant d’Allemagne de l’Est et les Lada russes, acquises après des années d’épargnes laborieuses, étaient abandonnées avec plaisir sur le parking du pique-nique par leurs propriétaires trop désireux de payer le prix de la liberté. Des jeunes personnes souriantes brandissaient les passeports occidentaux récemment acquis et délivrés par des fonctionnaires de Vienne.

Un flux continu de quelques 200 Allemands de l’Est ont traversé avec réussite la ‘frontière verte’, de nuit, lors des semaines suivant le pique-nique. Près de 60.000 personnes refusaient de retourner de la Hongrie en Allemagne de l’Est, choisissant plutôt d’endurer la privation dans les camps de réfugiés, dans l’espoir que la Hongrie ouvrirait bientôt ses frontières.

Le gouvernement hongrois faisait désormais face à la pression de l’Allemagne de l’Est et de la Russie de renforcer la frontière. Les gouvernements occidentaux encourageaient la Hongrie à continuer ses réformes.

Finalement, le 11 septembre 1989, le gouvernement hongrois a ouvert ses frontières pour les voyages sans visa. Des milliers d’Allemands de l’Est en Hongrie étaient autorisés à passer en Autriche et puis en Allemagne de l’Ouest. En Allemagne de l’Est, des manifestations massives, encouragées par les événements en Hongrie, exigeaient la liberté auprès du gouvernement d’Erich Honecker.

En octobre, Honecker a courageusement déclaré que le Mur de Berlin durerait encore pendant cent ans. Il n’a même pas duré cent jours de plus. Le 10 novembre, des manifestations impliquant plusieurs millions de personnes ont finalement détruit le Mur.

Lorsque l’Allemagne a célébré sa réunification, Helmut Kohl a déclaré que ‘la terre sous la Porte de Brandebourg est une terre hongroise’, se référant au Pique-nique paneuropéen.

On disait que cet événement était ‘l’épingle qui a fait éclater le ballon communiste’.

L’histoire a en effet été écrite sur cette route de forêt il y a trente ans aujourd’hui.

(voir la vidéo)


À la semaine prochaine,

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