Repenser la démocratie

octobre 5, 2017

Lors de son discours aux Pays-Bas ce lundi, Rowan Williams, l’ancien archevêque de Cantorbéry, a mis en garde contre l’échec de la démocratie de masse, alors que les résultats de l’élection allemande indiquaient le retour des néo-nazis au Bundestag, pour la première fois, depuis la Deuxième Guerre mondiale.

« Je ne crois pas que nous soyons au bord d’un fascisme résurgent, » l’entendais-je dire à son auditoire dans une salle de cours bondée à l’Université Radboud de Nimègue, « mais il est important de reconnaître le point de crise dans notre compréhension de la démocratie. »

Dans le contexte des récentes élections et referenda en Amérique, en Grande-Bretagne et en Europe continentale, il a appelé à une discussion plus approfondie et plus mature sur le pouvoir et la vérité et la signification de la ‘démocratie’. L’alternative était de plonger « dans le marécage profond de la démocratie de masse où les voix de l’opposition étaient dénoncées comme étant ‘ennemies du peuple’ ».

Il commença sa conférence en rappelant à ses auditeurs que, si aujourd’hui le mot ‘démocratie’ était utilisé pour désigner quelque chose de positif, dans une grande partie de l’histoire, c’était perçu négativement. Platon la voyait comme la loi de la populace, le pouvoir exercé par la foule.

Comment était-elle alors devenue l’idéal ultime de la justice sociale et de l’équité ? Le récit du Siècle des Lumières avait appelé à remplacer un petit groupe exerçant le pouvoir dont il n’est pas nécessaire de rendre compte – une autocratie, une oligarchie ou une dictature – par une autorité politique jouissant d’un mandat populaire. Au lieu d’une autorité venant d’en haut, arbitraire et souvent religieuse, la vraie légitimité était considérée comme venant de la pensée populaire.

Tyrannie

Les dernières décennies, cependant, ont montré que l’élimination de la tyrannie ne produisait pas automatiquement la démocratie, observait-il. Lorsque nous avons retiré le pouvoir politique transcendant, il nous restait le pouvoir populaire rationnel. Le mandat populaire était présumé être la démocratie.

Cependant, déclarait Williams, nous devions reconsidérer notre définition du mot démocratie. La montée du populisme, en Europe et aux Etats-Unis, reposait sur l’affirmation selon laquelle le populisme était une expression démocratique légitime de la ‘volonté du Peuple’. Ceci a été dangereusement confondu avec l’idéal démographique, avertissait le théologien, lorsque la démocratie était devenue la tyrannie du vote de la majorité.

En citant Platon, il se demandait pourquoi cette justice ne devait pas être identifiée avec les intérêts du plus fort. Le désir de la majorité ne devrait pas déterminer les droits des minorités, disait-il, ajoutant que le traitement des minorités était un signe de légitimité d’un gouvernement démocratique. La liberté politique requérait la tolérance de la contestation. Le pouvoir n’établissait pas le bien.

La compréhension des libertés religieuses était le début de la compréhension de toutes les libertés politiques, disait-il, en citant Lord Acton. Le droit de la majorité à déterminer la loi ne signifiait pas qu’il pouvait mettre fin à toute discussion. Si la justice n’était pas la loi du plus fort, les majorités ne déterminaient pas ce qui était juste. La loi ne mettait pas un terme à la discussion. On pourrait accepter quelque chose comme étant légal mais pas nécessairement juste ou vrai.

La démocratie légitime avait besoin d’une opposition, soutenait Williams. La démocratie échouait lorsqu’elle supprimait l’opposition, et lorsqu’elle étouffait la société civile où des questions différentes étaient soulevées. Une démocratie morale donnait de la place à l’argumentation et à la persuasion. Dans une démocratie argumentative, il était approprié de continuer à discuter.

Diversité

Un Etat séculier avait besoin d’une diversité de voix pour maintenir la discussion en vie, poursuivait-il, en particulier des voix non séculières. Elles devraient rappeler à l’Etat que croire en la dignité et la valeur de l’être humain était en soi un acte de foi. Sans cette croyance, toute la structure de la démocratie s’effondrerait.

La démocratie elle-même était une idée théologique, suggérait Williams, une vision de la communauté à assimiler au Corps de Christ. Lorsqu’une partie souffre, tout l’ensemble souffre. Dès lors, chaque perspective méritait d’être prise au sérieux.

En ceci se trouve l’échec de la démocratie de masse : ni la politique de pouvoir des élites, ni la montée du populisme ne pouvaient garantir la sécurité pour une société pluraliste. En post-scriptum, ajoutait le professeur, la seule bonne chose au sujet de l’extrême droite gagnant des sièges au parlement allemand, est que là, ils devront utiliser la persuasion et l’argumentation, ce qui signifierait probablement une perte de crédibilité et une influence réduite.

Durant le temps des questions, j’ai demandé au Dr Williams de commenter le rôle des referenda dans l’échec de la démocratie de masse. Un référendum était un moyen brutal à utiliser avec parcimonie, disait-il. Qu’il ait une influence sur la prise de décision, comme dans le cas du referendum du Brexit, était selon lui très problématique.

  • Le Parlement européen de la Jeunesse chrétienne du 26 au 29 octobre à Tallinn, en Estonie, offre une occasion d’explorer davantage la signification de la démocratie aujourd’hui, pour les jeunes de toute l’Europe, et vise à les équiper pour une persuasion efficace sur la place publique, par le biais de conférences d’experts, de discussions entre pairs et d’un tutorat personnel.

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À la semaine prochaine,

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