L’exhortation d’un père de l’Eglise primitive à rechercher le bien commun, vient comme un rappel rafraîchissant de notre tâche en tant que chrétiens aujourd’hui, dans une Europe troublée par la résurgence du nationalisme, le populisme et la xénophobie.
Jean Chrysostome – littéralement ‘la bouche en or’, en référence à sa prédication éloquente – était l’Archevêque de Constantinople au début du cinquième siècle. Très populaire, il s’est attaqué aux riches et au clergé à travers sa prédication contre les abus des riches et de l’autorité. ‘Voulez-vous honorer le corps de Christ ?’ prêchait-il. ‘Ne l’ignorez pas lorsqu’il est nu. Ne lui rendez pas hommage dans le temple, avec des étoffes de soie, pour le mépriser ensuite dehors, où il souffre du froid et de la nudité.’
Sa prédication terre-à-terre et son christianisme pratique attirèrent beaucoup de personnes de son temps à la foi. ‘À quoi bon si la table de l’Eucharistie est surchargée de calices en or lorsque votre frère meurt de faim ?’ demanda-t-il. ‘Commencez par donner à manger à l’affamé, avec ce qui restera décorez aussi la table.’
Pratiquant ce qu’il prêchait, Chrysostome a établi un réseau d’hôpitaux à Constantinople, un précédent suivi par beaucoup d’autres dirigeants d’église au cours des siècles. Son portrait en mosaïque (ci-dessus) peut encore être vu aujourd’hui dans la basilique Sainte-Sophie à Istanbul, construite 130 ans après sa mort et la plus grande cathédrale du monde jusqu’à la conquête ottomane.
Bien commun
Toutes les citations ci-dessus sont appropriées dans notre monde d’inégalité croissante, mais ce qui est particulièrement pertinent pour notre époque est ce qui suit :
‘Le christianisme dans toute sa perfection est de rechercher le bien commun car rien ne peut nous rendre des imitateurs du Christ comme notre zèle pour le bien du prochain.’
Car Jésus a enseigné que la loi et les prophètes étaient résumés dans le commandement d’aimer Dieu et d’aimer son prochain.
‘Le bien commun’ n’était pas la phrase originale de Chrysostome. Platon et Aristote ont utilisé ce terme des siècles auparavant. L’Epître de Barnabé du 2ème siècle avait aussi exhorté les lecteurs : ‘Ne vivez pas dans l’isolement comme si vous étiez déjà (pleinement) justifiés, mais rassemblez-vous et étudiez ensemble ce qui concerne l’intérêt commun’. Et La Cité de Dieu d’Augustin répondait par l’affirmative à la question : ‘le bien-être humain est-il trouvé dans le bien de toute la société, le bien commun ?’
Beaucoup de philosophes séculiers – de Machiavel à John Stuart Mills – ont aussi utilisé cette expression, bien que principalement dans un sens économique.
But ultime
Pourtant, l’activiste socio-politique et écrivain américain, Jim Wallis, croit que cet impératif biblique fondamental doit être retrouvé par le peuple de Dieu partout aujourd’hui, en réponse à la mentalité actuelle ‘eux et nous’/’ guerres de culture’ trop répandue parmi les croyants.
Dans son livre The (Un)Common Good – Le bien (peu) commun –, il écrit que ‘nous devrions être de bons voisins pour ceux qui nous entourent indépendamment de leur ethnie, de leur religion, de leur genre, de leur origine, de leur éducation ou de leur statut social.’
Jetant un regard en arrière sur le développement du renouveau de l’église au cours des cinquante dernières années, comme nous l’avons fait lors de la dernière pensée de la semaine, Wallis pense que le temps est mûr pour une nouvelle phase de renouveau, exprimant le but ultime de Dieu pour l’histoire de l’humanité : shalom, des relations justes, la droiture et la justice.
Les plans de Dieu impliquent la réconciliation de toutes choses sur la terre comme au ciel, y compris tous les peuples, toutes les tribus, toutes les nations et toutes les langues. L’avenir de Dieu est multiculturel et multinational. Dès lors, les hommes et les femmes de Dieu doivent désormais être des bâtisseurs de ponts, et non des constructeurs de murs ; inclusifs et non exclusifs ; chercheurs du bien-être de l’autre, et non ‘moi d’abord’, ‘mon pays d’abord’.
Ceux parmi nous qui proviennent d’un arrière-plan protestant, évangélique ou pentecôtiste doivent reconnaître que chacun de ces mouvements a émergé en tant que minorités séparatistes dans un environnement souvent hostile, avec une claire démarcation ‘eux et nous’. Par conséquent, nous avons appris à souligner nos différences. C’est toujours profondément ancré dans notre ADN.
Pourtant, une tradition chrétienne plus ancienne nous enseigne qu’en plus d’appartenir à la famille de la grâce de Dieu, nous sommes membres de la famille humaine de Dieu. Chaque être humain porte son image et donc a sa dignité. D’où l’histoire choquante de Jésus au sujet du Bon Samaritain dans laquelle le héros appartenait à ‘eux’, et non à ‘nous’.
Rassemblés, il y a deux semaines, à Genève avec d’autres dirigeants de Jeunesse en Mission, nous réfléchissions sur la définition de Jean Calvin de la tâche donnée par Dieu aux dirigeants politiques ‘d’œuvrer pour le bien commun’. Ceci pourrait aussi s’appliquer aux dirigeants spirituels : de rechercher le bien commun de la congrégation, du corps de Christ dans le village ou dans la ville, du bien-être (le bien commun) de la ville elle-même et de la nation entière. Et même au-delà.
Car ce concept du bien commun, enraciné dans l’enseignement de Jésus, était la motivation consciente du Français, Robert Schuman, de proposer, après la guerre, que l’Europe serait un meilleur endroit si ses peuples et ses nations travaillaient ensemble. Alors l’Europe pourrait également être utile dans d’autres parties du monde, en particulier l’Afrique.
Imaginez à quel point le monde serait meilleur si la famille de la grâce de Dieu suivait réellement le conseil de Chrysostome.
À la semaine prochaine,