De retour d’obsèques jeudi dernier en Irlande du Nord, ma femme et moi sommes tombés sur un panneau routier banal sur la A26, juste avant de nous arrêter à l’aéroport international de Belfast. Il y était simplement écrit ‘Dundesert Road’ (Rue Dundesert), et pourtant il mettait en avant l’influence remarquable, bien qu’oubliée, des Coptes et des Celtes dans la formation de la civilisation européenne.
Car Dundesert, selon certains érudits, était le lieu de sépulture de certains des premiers migrants d’Afrique du Nord vers l’Europe: les ‘Sept moines d’Egypte’, mentionnés dans une litanie irlandaise du huitième siècle, la Litanie des Saints pèlerins.
Le préfixe ‘Dun’ est celte, signifiant ‘forteresse’, comme dans le nom gaélique écossais Dùn Èideann pour Edimbourg (d’où Dunedin, la ville de Nouvelle-Zélande colonisée par des Ecossais).
Le terme ‘Desert’, se référant au lieu reculé d’un monastère, est supposé, selon ces mêmes érudits, avoir été introduit, en Irlande depuis l’Egypte, au début de l’ère chrétienne. Les moines coptes ont apporté avec eux une tradition de fonder des monastères dans des lieux reculés du désert. Bien qu’il n’y ait pas de désert en Irlande ou dans les Îles britanniques, les moines celtes étaient inspirés par leurs frères et mentors coptes pour utiliser des termes comme ‘desert’, ‘disert’, et ‘dysert’ pour désigner des lieux en Irlande, au Pays de Galles et en Ecosse: par exemple Dundesert, Disertmartin, Dysert O’Dea, Dyserth, Dysart et Killadysert.
(‘Copte’ se réfère aux descendants ethniques d’anciens Egyptiens préchrétiens et pré-arabes, dérivé du copte gyptios ou kyptaios.)
Cellules et tours
D’autres ressemblances frappantes ont été observées entre les milieux des Pères du désert en Egypte et le monachisme celte. Des traces des origines orientales de la vie monastique celte peuvent être trouvées dans les règles monastiques, l’architecture en forme de ruche des cellules des moines, les tours rondes et la disposition des communautés monastiques. Certaines enluminures de manuscrits celtes sont clairement copiées à partir de sources coptes (par exemple dans le Livre de Kells et dans l’Evangéliaire de Lichfield).
Le voyage entre l’Egypte et l’Irlande était évidemment dans les deux sens. Une copie d’un guide écrit par des moines irlandais voyageant en Egypte, subsiste encore à la Bibliothèque Nationale de Paris.
Ce lien copte-celte s’étend généralement au-delà de l’horizon aussi bien des catholiques que des protestants; les premiers, éduqués depuis une perspective romaine, les seconds axés sur l’histoire après la Réforme. Saint-Patrick, par exemple, le saint-patron des catholiques irlandais, est représenté anachroniquement dans des statues, des peintures et des vitraux avec une mitre d’évêque catholique, alors qu’en réalité, les évêques celtes portaient des couronnes jusqu’au seizième siècle. Ironiquement, Patrick n’était ni Irlandais, ni catholique.
Nous ratons dès lors facilement la contribution la plus importante, aussi bien des coptes que des celtes, au développement de l’Europe, alors que l’Empire païen romain s’effondrait, comme nous l’avons découvert lors de notre récent Tour de l’héritage continental.
Enseignants et faiseurs de disciples
A plusieurs reprises, nous avons rencontré des saints coptes dont le témoignage héroïque de l’Evangile de Jésus était légendaire au début de l’Europe chrétienne. Le premier jour, nous avons ‘rencontré’ Sainte-Catherine, une jeune femme évangéliste copte d’Alexandrie qui amena courageusement la femme de César à la foi en Jésus, vers la fin du 3ème siècle. Sa récompense fut d’être martyrisée sur une roue de torture (d’où les feux d’artifice ‘roue de Sainte-Catherine’). Le centre commercial Hoog Catharijne (Grande Catherine) à Utrecht, aux Pays-Bas, a été construit sur l’ancien site d’un couvent portant le nom de Catherine.
À Zürich, nous avons trouvé les frère et sœur Félix et Regula, les saints patrons de la ville, membres de la Légion thébaine de la Haute-Egypte, décapités, pour leur foi, à l’embouchure de la rivière Limmat à peu près au même moment que le martyre de Catherine. Plus tard, un couvent et une chapelle ont été construits pour les pèlerins vénérant leur mémoire. Plus tard encore, Charlemagne construisit a construit la Cathédrale Grossmünster sur leur lieu de sépulture présumé, autour de laquelle la ville a ensuite grandi.
Comme raconté dans la pensée de la semaine dernière, notre visite à l’abbaye de Saint-Maurice, au sud de Montreux, nous a confrontés à l’histoire du martyre de la Légion thébaine, dont les membres ont choisi la fidélité au Christ au lieu d’une fausse loyauté envers l’empereur. Cette histoire inspira d’innombrables croyants de l’Europe, ainsi que les noms de personnes, de lieux et de confréries, depuis Saint-Moritz jusqu’à Tallinn.
Parmi les autres que nous avons « rencontrés », représentant les missions celtes sur le continent, figuraient Willibrord et Boniface, tous deux influencés davantage par des milieux celtes que ce que les historiens romains généralement admettent; et Colomban, Gall, Béat et Kilian, dont certains ont fondé des monastères se développant par milliers dans ce que sont aujourd’hui la France, la Suisse, l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie. On les a appelés les ‘enseignants des rois et faiseurs de disciples des nations’, en tant que conseillers de souverains comme Charlemagne (Alcuin de York), et son petit-fils, Charles le Chauve (Johannes Scottus Eriugena – littéralement: né en Irlande).
Les obsèques de la semaine dernière étaient celles de notre cher ami et collègue écossais, Iain Muir. En tant que père et dirigeant de Jeunesse en Mission en Afrique depuis les années 1970, lui aussi était un ‘enseignant des rois et faiseurs de disciples des nations’, poursuivant dans une longue tradition de mission celte.
À la semaine prochaine,
[…] celte qui a connu un réveil au cours des dernières décennies. Comme je l’ai écrit précédemment, l’influence des origines orientales de la vie monastique celte se trouve dans les règles […]