Les élections néerlandaises n’étaient pas le seul spectacle en ville, la semaine dernière aux Pays-Bas.
Alors qu’une grande troupe de journalistes étrangers se focalisaient sur la victoire imminente du populiste Geert Wilders qui n’est jamais arrivée, plusieurs événements aux Pays-Bas, la semaine dernière, réfléchissaient sur le bouleversement profond de Martin Luther sur l’ordre établi en Europe, il y a cinq cents ans.
Jeudi, alors que les grands titres mentionnaient la déclaration jubilante de Mark Rutte, que ‘le genre mauvais du populisme avait été arrêté’, ma femme et moi-même rejoignîmes d’autres personnes, dans notre ville, afin d’entendre un professeur allemand décrire la grande influence du réformateur allemand et de son vraisemblablement ‘bon genre de populisme’ sur les Pays-Bas. En fait, les Pays-Bas doivent leur existence à la Réforme, après une révolte, aussi bien des catholiques que des protestants, contre la répression impitoyable de la dissidence religieuse espagnole. Guillaume d’Orange défendit la liberté de conscience et de culte, des questions qui étaient à nouveau en jeu dans les élections de la semaine dernière.
Vendredi, je me suis retrouvé dans la Mosquée Bleue d’Amsterdam au milieu d’un public mixte de musulmans et de chrétiens. Nous écoutions l’ancien modérateur des églises protestantes aux Pays-Bas expliquer l’impact profond de la Réforme, aussi bien sur l’histoire néerlandaise que sur la société occidentale. Elle a en effet façonné l’alphabétisation, la reconnaissance de l’individu et la montée de la démocratie (chaque personne compte), la science, l’éducation, et l’éthique de travail protestante. Un professeur marocain, enseignant en Allemagne, a répondu en reconnaissant la nécessité pour les musulmans de se réformer alors qu’ils cherchaient leur place entre « croire et appartenir », être « de fidèles musulmans » et « de bons Européens ». Ce dialogue respectueux entre chrétiens et musulmans a modelé une construction de ponts, un antidote contre la polarisation populiste induisant la peur.
Trinité
Samedi, ma femme a assisté à un événement œcuménique initié par le mouvement Focolare, avec des orateurs issus de milieux catholiques, protestants et pentecôtistes, cherchant une voie commune. Le Dr. Hubertus Blaumeiser, un théologien de Focolare qui a étudié la théologie de la croix de Luther, à l’Université grégorienne de Rome, demanda comment le chemin vers l’unité pouvait être avancé, et pas seulement entre catholiques et luthériens. L’unité dans la diversité était un don de Dieu, une œuvre de grâce. Cela ne signifiait pas simplement être gentils les uns envers les autres et suivre nos propres chemins ; ni de devenir une fédération d’églises ou une institution uniforme. Luther, disait-il, souligna la Trinité comme le modèle de la diversité dans l’unité et de l’unité dans la diversité. Jésus avait prié pour ses disciples afin qu’ils deviennent ‘uns comme nous sommes uns’ : des entités distinctes formant un tout, dans le respect mutuel et la solidarité radicale. En pleine communion. Une unité réelle dans une diversité réelle. Une véritable œuvre de l’Esprit.
Le même jour, j’étais en Frise pour présenter Menno Simons à un groupe d’amis voyageurs, le seul réformateur des Pays-Bas, un chef de file dans ce qu’on appelle souvent la Réforme Radicale. En s’appuyant sur l’œuvre de Luther, ces réformateurs radicaux, ou les anabaptistes (re-baptiseurs), appliquaient plus rigoureusement le principe de la sola scriptura. Pour eux, le baptême par immersion était le signe extérieur du choix intérieur de l’autorité de Christ. Les disciples de Menno se faisaient appeler les mennonites, et certains influencèrent les dissidents anglais qui rentrèrent d’un séjour à Amsterdam pour commencer le mouvement baptiste en Angleterre.
Des livres et des magazines sur Luther et la Réforme – aux côtés d’un personnage emblématique Playmobile – éveillent les consciences sur l’ampleur et la profondeur de l’influence du moine augustinien jusqu’à nos jours. Certains abordent leur sujet avec une insouciance postmoderne, se demandant par exemple quel genre de voiture Luther conduirait aujourd’hui : un cabriolet, afin qu’il puisse voir plus de Dieu pendant qu’il conduirait ? Ou, en tant qu’homme du peuple, une Volkswagen ?
Découverte
Beaucoup de catholiques semblent découvrir Luther (comme) tout à nouveau, en cette année Refo500. Suivant la direction des deux papes, Benoît XVI et François, aussi bien le clergé que les laïcs reconnaissent l’immense contribution de Luther, tant dans l’histoire de l’église que dans la société européenne. En 1999, Benoît, alors Cardinal Ratzinger, joua un rôle clé dans la formulation de la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification (JDDJ), dans laquelle les catholiques ont convenu avec les luthériens que les croyants étaient justifiés par la foi et la grâce seule.
L’évêque Gerard de Korte, un autre orateur catholique de l’événement œcuménique de samedi, décrivait Luther comme un grand chrétien, un théologien avec un impact énorme. Ecrivant dans une édition spéciale, sur papier glacé, publiée par un magazine séculier, il voyait la Réforme comme quelque chose qui pourrait unir les chrétiens aujourd’hui. Ce que nous avions en commun était plus grand que ce qui nous séparait, déclara-t-il d’une manière agréablement différente de celle des temps antérieurs.
Luther avait certainement son côté plus obscur, y compris une tendance d’antisémitisme plus tard dans sa vie. Pourtant, son héritage positif – ainsi que celui de ses camarades Réformateurs tels que Zwingli, Calvin et Knox – a façonné des nations entières, parmi lesquelles la Suisse, les Pays-Bas, l’Ecosse, l’Angleterre et les Etats-Unis. Nous pouvons nous attendre à ce que son influence survive dans les nations, y compris dans celles traditionnellement catholiques, bien longtemps après que le populisme d’aujourd’hui ne culmine et ne décline.
À la semaine prochaine,