Décrite comme ‘terrifiante et troublante’, l’une des horloges les plus insolites du monde ne manque jamais d’attirer des visiteurs perplexes, à l’extérieur du Collège Corpus Christi à Cambridge, comme nous l’avons observé en marchant à travers la ville universitaire, lors de notre récent Tour de l’héritage celte.
Une redoutable locuste géante, aux proportions apocalyptiques, monte à califourchon sur un disque plaqué or de 24 carats, d’environ 1,5 mètre de largeur. Sa bouche caustique semble dévorer les secondes, tandis que ses pattes tirent inlassablement le disque dans le sens des aiguilles d’une montre, dans un mouvement irrégulier provoquant un son métallique angoissant par intermittence.
Sans aiguilles ni chiffres, l’horloge affiche le temps au moyen de fentes sur le cadran, éclairées par des lampes LED bleues, en trois anneaux concentriques représentant les heures, les minutes et les secondes. Sur celui de l’heure, les spectateurs entendent le cliquetis d’une chaîne étant descendue dans un petit cercueil en bois derrière le cadran.
La clé pour comprendre l’intention du concepteur est une inscription latine en-dessous du disque en or : mundus transit et concupiscentia eius. Extraite de la traduction de la Vulgate de 1 Jean 2, verset 17, on peut lire : Le monde passe, et sa convoitise aussi.
John Taylor, un ancien étudiant du Collège Corpus Christi, a conçu l’idée de l’horloge comme une œuvre d’art, rappelant aux passants qu’inévitablement, le temps passait aussi. Il appelle la locuste, ‘le chronophage’, littéralement le mangeur de temps. Le temps, croit-il, n’est pas en notre faveur. ‘Le mangeur de temps’ dévorera chaque minute de notre vie, salivant pour le moment suivant pendant qu’il dévore le présent.
Officiellement dévoilée en 2008 par le célèbre physicien de Cambridge, Stephen Hawking, elle était répertoriée comme l’une des ‘Meilleurs inventions de l’année’ du Time Magazine. Il a fallu cinq ans, un million de livres sterling et deux cents scientifiques, bijoutiers, calligraphes, sculpteurs et ingénieurs pour la produire.
Fascination et répulsion
Tout le monde ne peut cependant pas apprécier tout cet investissement en efforts, temps et argent, comme nous pouvons le voir dans les remarques des visiteurs sur cette vidéo. Les réactions vont de la fascination impressionnante à la répulsion de dégoût.
L’horloge donne sur la King’s Parade où une plaque bleue, sur le bâtiment d’en face, annonce le site original de la White Horse Inn (l’auberge du Cheval Blanc), communément connue comme ‘La Petite Allemagne’. La plaque indique à ses lecteurs qu’ici est née la Réforme anglaise. Des érudits de Cambridge, comme Thomas Cranmer, William Tyndale, Nicholas Ridley et Hugh Latimer, discutèrent des derniers écrits de Martin Luther, autour de leurs brocs de bière. C’était Thomas Bilney, lui-même sensibilisé par le message de l’Evangile, après avoir travaillé sur le Nouveau Testament grec d’Erasme, qui rassembla ces amis dans la White Horse Inn.
Une décennie plus tôt, Erasme a vécu et travaillé à Cambridge – malgré ses plaintes au sujet de la bière et du vin locaux imbuvables et des gens locaux qui ‘combinaient une grossièreté extrême avec une extrême mauvaise foi’ – pendant qu’il travaillait sur son Nouveau Testament, avec parallèle en grec et en latin, lequel allait à son tour inspirer la Bible allemande de Luther et la Bible anglaise de Tyndale.
Si Erasme avait pu sortir de l’auberge et voir cette horloge, et l’inscription de la première lettre de Jean, il aurait aussi été consterné par la vision de la vie présentée. À partir de son travail de révision du texte latin de la Vulgate, il aurait su que le verset continue en disant : ‘mais celui qui fait la volonté de Dieu vivra éternellement !’
Riche héritage
Quelle perspective différente donne le verset complet ! Au lieu d’une vision de la vie comme s’échappant de nous tous, minute par minute, rendant notre existence dénuée de sens et futile, nous découvrons un Dieu qui promet de nous rendre les années qui ont été dévorées par les locustes (Joël 2:25).
L’horloge peut être considérée comme un triste commentaire sur Cambridge aujourd’hui, sur une grande partie du monde académique et sur la société occidentale elle-même. Ayant chacune grandi hors des racines chrétiennes, l’université, les académies et la société ont en grande partie perdu la dimension transcendantale qui donne un sens. Les armoiries de l’université, par exemple, montrent une Bible au centre ; sa devise est Hinc lucem et pocula sacra, ‘De cet endroit, nous gagnons la lumière et le sacré’. Mais malheureusement, la Bible n’est plus au cœur de la vie de l’université.
Car Cambridge possède un héritage chrétien riche mais souvent oublié. Un endroit excellent pour commencer à explorer ceci, c’est à l’historique Round Church (église ronde), construite vers 1130, et aujourd’hui un centre d’exposition expliquant l’histoire des fondateurs de l’université qui voulaient explorer aussi bien le livre des œuvres de Dieu que le livre des mots de Dieu.
En ces jours où nous hésitons à regarder les informations par peur d’une autre tragique tuerie de masse, ou d’entendre un autre discours politique d’un politicien populiste, présageant des troubles à venir, nous devons nous rappeler que, dans le plan de Dieu, ‘les mangeurs de temps’ n’ont pas le dernier mot.
À la semaine prochaine,