Les filles de la rue l’appelaient l’ange de Berlin. Elles ne verront plus Patricia Green, avec son sourire et un panier de cadeaux, marcher dans les rues sombres où les filles exercent leur métier. La semaine derniere, elle a perdu sa bataille contre le cancer et est décédée en Nouvelle-Zélande, son pays d’origine, où une commémoration aura lieu demain.
Des centaines de sympathisants du ministère Alabaster Jar (Jarre d’albâtre) assisteront ce samedi à une commémoration à Berlin, pour honorer sa pionnière âgée de 76 ans, et son ministère exercé auprès des victimes de la prostitution et du trafic d’êtres humains.
Parmi les participants, il y aura quelques filles qu’elle a aidées dans la transformation de leur vie. Comme Linda, qui dit à Patricia qu’elle n’était pas habituée à des femmes comme elle. ‘Beaucoup de femmes nous regardent comme de la boue’ dit-elle. ‘C’est bien que vous nous dites bonjour et que vous nous apportez des choses. Nous n’avons jamais eu ça ici même si (la prostitution) est légale depuis des années.’ Ou Sandra, à qui Patricia a toujours manqué depuis son départ et qui va maintenant fortement lui manquer. Ou Maxine, qui l’embrassait toujours quand elles se rencontraient, laissant son coin de rue pour l’accompagner et parler. Ou Barbara qui ignorait le téléphone qui sonnait lorsqu’elle parlait avec Patricia.
Servante des Assemblées de Dieu et ayant une maîtrise en psychologie communautaire, Patricia lança Alabaster Jar en 2006 à Berlin, vingt ans après avoir démarré un ministère similaire, Rahab International, en Thaïlande. Là-bas, elle s’est sentie impuissante après avoir vu des femmes et des jeunes filles vendues comme esclaves du sexe, lorsque ce commerce explosa en Asie. Avec une femme thaïlandaise, elle commença à fréquenter les bars où les filles gagnaient leur vie avec le pole dancing, en servant des boissons et en dormant avec des étrangers. Elles commencèrent à parler aux femmes afin de répandre l’avertissement à propos du tourisme sexuel. Rahab tient désormais un salon de coiffure, où les femmes peuvent aller gratuitement et oublier pour un temps le monde extérieur.
Faux espoirs
Axel Nehlsen, du Gemeinsam für Berlin, explique qu’il y a environ 400.000 prostituées en Allemagne, beaucoup en provenance de Thaïlande ou d’Europe de l’Est ou du Sud. A Berlin, jusqu’à 10.000 prostituées travaillent dans les rues ou dans les bordels, bars, cinémas pornographiques ou salons de massage. La prostitution fut légalisée en 2002, avec les faux espoirs que cela créerait de meilleures conditions et plus d’autonomie pour les employés du sexe. Pourtant, l’exploitation et le trafic d’êtres humains restent un problème considérable. La nouvelle loi n’apporta pas ‘une amélioration légalement imposée’ de la situation de ces femmes, ni n’offrit d’aide à celles désirant quitter le ‘commerce’.
Les femmes d’Alabaster Jar rendent visite aux prostituées de l’Oranienburger Strasse de Berlin et du quartier de la drogue et de la prostitution de la Kurfuerstenstrasse. Les filles de la ‘O’strasse sont toutes Allemandes, très professionnelles et d’une moyenne d’âge de 21 ans. ‘K’strasse est très différente. Selon les travailleurs d’Alabaster, beaucoup viennent de Bulgarie, de la République Tchèque, de Pologne et même de Hongrie, afin de gagner de l’argent pour éduquer leurs enfants, étant donné le peu d’emplois disponibles dans leur pays. Certaines sont victimes du trafic.
Faim
Au fil du temps, Patricia et ses collègues se firent progressivement accepter auprès des femmes, certaines parce qu’elles avaient faim et n’avaient pas d’argent pour acheter de la nourriture. Chaque mercredi, Alabaster Jar offre aux femmes du thé, de la soupe et des biscuits dans une caravane, un centre de halte pour se réchauffer et converser. Ici, elles peuvent recevoir des informations sur les réseaux de soins de santé et de soutien. Les volontaires de Patricia en apprennent davantage sur leurs besoins et leurs manques. Certaines ont spirituellement faim, et même aiment Dieu et demandent des Bibles et la prière. Beaucoup de petits ‘cercles de prière’ se créent dans la ‘K’strasse, où tant les travailleurs d’Alabaster que ceux de la rue se tiennent dans les bras et prient pour leurs besoins. Des conversations avec quelques 50 femmes chaque semaine se sont approfondies, écrivait Patricia, dans son dernier rapport, avec des filles partageant plus sur leur vie, leur relation avec les clients, la police, les familles, les enfants et leur désir de quitter le ‘commerce’.
Sa collègue, Kate Snowden, posta sur Facebook : Dire que ‘Patricia a changé ma vie’ a l’air d’un tel cliché, mais c’est ce qu’elle a vraiment fait. Je me rappelle d’elle avec une telle gratitude pour son mentorat, ses prières et son amitié ainsi que pour l’œuvre de sa vie afin de libérer les femmes du commerce sexuel.
À la semaine prochaine,