Aujourd’hui, dans de nombreux Etats membres de l’Union européenne, le Bon Samaritain de la célèbre parabole de Jésus risquerait d’être arrêté en tant que criminel pour avoir offert de l’aide humanitaire et peut-être être emprisonné pour trafic d’êtres humains.
La police, les agents de l’immigration, les garde-frontières et les fonctionnaires de la justice dans de nombreux pays européens se moquent des prétendues valeurs de l’Union européenne de solidarité, de dignité, d’égalité et de liberté, en poursuivant et en condamnant des citoyens qui se portent volontaires pour fournir des services humanitaires essentiels aux réfugiés et aux migrants.
La première Conférence Schuman organisée dans la Chambre Haute (Upper Room) à Amsterdam, vendredi soir dernier, intitulée La migration après Marrakesh, se concentrait sur les questions de migrations à la suite de la conférence intergouvernementale des Nations Unies tenue au Maroc, en décembre dernier, à l’origine du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière. Le Dr Noemi Mena Montes, une journaliste de radio espagnole et chercheuse primée en études sur la migration, a présenté une version actualisée du discours illustré qu’elle a prononcé au Forum sur l’état de l’Europe à Malte en 2017. (Le rapport de 166 pages de ce forum est maintenant disponible en anglais ici).
Comme s’ils s’étaient donné le mot, le journal digital néerlandais d’informations, De Correspondent, publiait, le même jour, un article intitulé : En Europe, les personnes qui aident les migrants ne sont plus des héros mais des criminels. Pendant longtemps, selon le site web d’informations, les Etats membres de l’Union européenne ont laissé les organisations humanitaires et les volontaires faire le travail qu’ils ne voulaient pas faire eux-mêmes : sauver des migrants et leur offrir un refuge. Mais maintenant, ceux qui aident les migrants risquent des poursuites pénales.
En Belgique, la rédactrice en chef d’un magazine féminin de beauté a été brutalement réveillée par des policiers armés qui ont fait irruption dans son appartement à 5 heures du matin, la fouillant alors qu’elle était en pyjama et saccageant sa maison à la recherche d’ordinateurs, de clés USB, de carnets et de téléphones portables. Cela entamait une procédure judiciaire d’un an, accusée d’appartenir à une plateforme citoyenne offrant un abri de nuit aux migrants rassemblés dans un parc à Bruxelles, non loin des institutions de l’Union européenne. Accusée de trafic d’êtres humains, la rédactrice en chef a été soulagée d’avoir été acquittée par un tribunal, à la fin de l’année dernière, avant d’apprendre que le procureur avait fait appel auprès d’une instance supérieure.
Pourtant, selon une étude récemment publiée, commandée par une commission du Parlement européen, le « maintien de l’ordre humanitaire », y compris la dynamique plus large de la suspicion, de l’intimidation, du harcèlement et des sanctions disciplinaires, portent atteinte aux droits des citoyens de l’Union européenne – tels que la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté de conscience.
‘Lorsque la société civile est effectivement (auto)-réduite au silence et que son rôle de responsabilité est compromis’, indique le rapport, ‘les politiques de lutte contre le trafic des migrants peuvent être utilisées de façon abusive et donner lieu à de graves violations des valeurs fondatrices de l’Union européenne, notamment l’Etat de droit, la démocratie et les droits fondamentaux. En outre, le maintien de l’ordre humanitaire a une incidence négative sur la confiance de la société et détourne les ressources limitées des forces de l’ordre des enquêtes sur les crimes les plus graves.’
De Correspondent notait une ‘évolution effrayante’ des actions officielles engagées contre les volontaires de l’aide humanitaire, avec vingt cas rapportés en 2017, atteignant au moins 89 cas selon ce qu’ils ont recensé l’an dernier. L’article cite des exemples de France et de Grèce, de personnes accusées criminellement d’avoir sauvé des vies en mer ; en Norvège, au Danemark, en Suède, en Suisse et en Grande-Bretagne, où des conducteurs qui ont pris des migrants en auto-stop étaient traînés devant le juge ; en Italie encore, des travailleurs humanitaires fournissant de la nourriture et des douches aux migrants étaient arrêtés.
Au large des côtes de l’île grecque de Lesbos, des volontaires danois et espagnols surveillaient des canots pneumatiques surchargés, en provenance de Turquie, après avoir reçu un signal d’urgence. Ils ont appelé les garde-côtes à l’aide, et lorsque le navire de la marine arriva, ils se sont retrouvés être escortés jusqu’à la côte et arrêtés pour trafic d’êtres humains. Après deux ans d’attente pour leur procès, incapables de quitter l’île, ils ont été finalement acquittés.
Certaines autorités justifient leur politique en déclarant que les organisations humanitaires sont une force d’attraction, encourageant l’immigration clandestine. Mais le Haut-Commissaire aux Nations-Unies pour les Réfugiés, Filippo Grandi, n’est absolument pas de cet avis. Dans son rapport, Desperate Journeys (Voyages désespérés), il affirme que les ONG fournissent des services essentiels.
Le mois dernier, le Sea-Watch 3, battant pavillon néerlandais, a sauvé 47 personnes entre la Libye et l’Italie et est resté plusieurs jours au large des côtes de la Sicile, où plusieurs maires se préparaient à accueillir les réfugiés, mais ont été bloqués par le gouvernement populiste italien. Finalement, après que sept pays aient accepté de recevoir les migrants, le navire a été autorisé à accoster dans le port de Catane où il a été saisi pour ‘violation des lois sur la sécurité et l’environnement’ .
La crise des réfugiés est une crise d’hospitalité, de conscience, de compassion, explique le Dr Montes. Le terrorisme est la raison donnée par les politiciens pour cette crise. Mais qu’est-ce que le terrorisme ? demandait Noemi. C’est prendre des étrangers innocents et les traiter comme des ennemis. Quel est l’esprit opposé ? C’est prendre des étrangers innocents et les traiter comme des amis.
L’hospitalité, a-t-elle affirmé, est la réponse au terrorisme – telle que pratiquée par le Samaritain.
À la semaine prochaine,