Le Paradoxe d’Abraham Kuyper

août 28, 2017

Pour la majorité des Néerlandais aujourd’hui, il est un personnage oublié. Pour d’autres, il est soit méprisé, soit admiré. Il était pourtant indubitablement l’un des pères des Pays-Bas actuels.

En tant que pédagogue, politicien, Premier ministre, journaliste et théologien, Abraham Kuyper (1837-1920) a laissé une empreinte visible sur les églises, les écoles, les média et la politique néerlandais, même un siècle plus tard.

Peu, pourtant, parmi les 24.000 étudiants de l’université qu’il a fondée, pourraient dire qui est la personne représentée par le buste en marbre blanc, à l’extérieur de l’auditoire principal. J’ai vu, une fois, un jeu télévisé dans lequel les trois candidats ‘habiles’ pour le titre de ‘la personne la plus intelligente’ devaient identifier la personne suivante : il était Premier ministre néerlandais ; son prénom était Abraham ; il était le dirigeant du Parti Antirévolutionnaire (ARP) et le fondateur de l’Université Libre d’Amsterdam. Après quelques instants de ‘hum’ et de ‘euh’, un des candidats s’est finalement aventuré : « Calvin ? » !!!

A quelques centaines de mètres du centre de Jeunesse en Mission De Poort, sur le Prins Henrikkade (quai du prince Henri) à Amsterdam, se trouve la maison où a vécu Kuyper entre 1880 et 1900. C’est ici qu’il écrivait des chroniques dans des journaux quotidiens qui influençaient la pensée de beaucoup de ses lecteurs. De là, une marche de vingt minutes devait l’amener à la Nieuwe Kerk, sur la Place du Dam. Là-bas, il a prononcé sa célèbre déclaration lors du culte d’inauguration de l’Université Libre (Vrije Universiteit), en 1880 : Il n’y a pas un seul centimètre carré de la vie humaine où Christ, qui est souverain de tout, ne dise pas « A moi ! »

Pendant plus de quarante ans, même lorsqu’il était recteur de l’université, et plus tard, Premier ministre, Kuyper a été le rédacteur en chef du quotidien De Standard, ainsi que de son supplément hebdomadaire De Heraut. Il n’est pas surprenant que ses rivaux le considéraient comme « l’homme à dix têtes et à cent bras» !

Antithèse

A la fin du siècle, De Standaard était reconnu comme le quotidien le plus prestigieux du pays. Lors du 25ème anniversaire de sa carrière de rédacteur en chef du journal, en 1897, Kuyper déclara : Un seul désir a été la passion dominante de ma vie. Une grande motivation a agi comme un stimulant sur ma pensée et mon âme. C’est ceci : que malgré toute l’opposition du monde, les saintes ordonnances de Dieu seront encore établies à la maison, à l’école et au sein de l’Etat, pour le bien du peuple : de sculpter, pour ainsi dire, dans la conscience de la nation les ordonnances du Seigneur, à qui la Bible et la Création rendent témoignage, jusqu’à ce que la nation rende encore hommage à Dieu.

Kuyper a défendu l’idée de l’antithèse, qu’il y avait deux genres de personnes (sauvées et pas sauvées), et donc, deux genres de vie et de conscience humaine de la vie, et deux genres de vie humaine et de conscience de vie, et deux types d’études scientifiques-académiques. Notre vision du monde et de la vie a été façonnée et guidée par nos esprits rebelles, enseignait-il ; ce n’était que lorsque Dieu redirigeait nos volontés vers Lui que nous pouvions commencer à corriger nos moyens de savoir.

L’antithèse a trouvé son expression dans la vie publique en tant que ‘pilarisation’, signifiant que chaque communauté idéologique – protestante, catholique, socialiste, libérale, et cetera – devrait être libre de développer ses propres institutions d’écoles, de journaux, de syndicats, de partis politiques, de diffusions et de cercles sociaux, avec le soutien des fonds publics. L’héritage de Kuyper dans ce domaine était une nation qui a offert un traitement de parité unique pour les organisations et les institutions confessionnelles jusqu’à nos jours.

Grâce commune

Paradoxalement, tout en soutenant cette idée d’antithèse, Kuyper croyait en même temps que la grâce commune de Dieu pouvait être vue dans toute l’humanité et dans toute la société : dans le soin durable de Dieu pour la création, dans les institutions du gouvernement, à travers nos consciences, et à travers toutes sortes de progrès humains, aussi bien par des croyants que des non-croyants, dans les domaines de la médecine, de la technologie, de la science, de l’ingénierie, de l’économie et du social, qui améliorent la vie des gens.

Après le déluge dévastateur qui a presque anéanti toute la race humaine, enseignait Kuyper, Dieu promit à Noé de ne jamais permettre au péché d’être aussi incontrôlable que de détruire le monde et l’humanité –du moins jusqu’à ce que les plans divins aient été accomplis. L’arc-en-ciel devait nous rappeler cette promesse.

En d’autres termes, Dieu avait mis des limites à l’influence du péché, de la mort et de Satan. Il a choisi de maintenir le cosmos et la vie humaine dans un état intermédiaire, empêchant la destruction totale et la dépravation, jusqu’à ce que ses objectifs et ses promesses soient accomplis, lorsque « Toutes les nations viendront se prosterner devant ta face, Seigneur, et rendre gloire à ton nom. » (Psaume 86:9).

Le don de Dieu de compétences culturelles, aussi bien aux croyants qu’aux non-croyants, permettait une culture commune où les peuples pouvaient collaborer pour faire faire progresser la société à travers l’art, la science, l’économie et la politique. Cette compréhension de la grâce commune donna une théologie et un argument aux disciples de Kuyper, afin que les croyants collaborent avec les non-croyants en vue d’un monde meilleur.

Kuyper a donc engendré l’émergence d’un engagement proactif des chrétiens dans les affaires culturelles, sociales et politiques, vers la ‘transformation’ de la société. D’autres penseurs idéologiques comme Francis Schaeffer, Nicholas Wolterstorff, Chuck Colson et Tim Keller, ont marché sur le chemin frayé par cet homme.

Nous le pouvons aussi.


À la semaine prochaine,

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