Les Européens du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest, ont besoin de temps pour s’écouter les uns les autres afin de prendre conscience des différences et de surmonter les malentendus.
Ma femme et moi revenons juste d’un tel moment de dialogue et d’écoute mutuelle à Vienne, un rassemblement de trois jours de 120 représentants de mouvements chrétiens, orthodoxes, catholiques, protestants et charismatiques, du Portugal à la Russie, et de l’Irlande à la Grèce. Cette organisation faîtière Ensemble pour l’Europe démarra, il y a 18 ans, par un pacte d’amour entre les dirigeants de plusieurs mouvements, dont YMCA (ou UCJG – Union chrétienne des jeunes gens), une sororité luthérienne, le mouvement Focolare et la communauté Sant’Egidio. Elle a grandi pour englober plus de 200 mouvements professant tous Jésus-Christ comme Seigneur.
Johannes Fichtenbauer, conseiller du Cardinal Schönborn à Vienne, parla d’une nouvelle étape spectaculaire dans l’unité de l’église faite lors du rassemblement de Pentecôte de 2017, en juin dernier à Rome, à l’occasion du 50ème anniversaire du mouvement catholique charismatique. Le pape François invita les dirigeants des églises pentecôtistes et charismatiques à rejoindre les dirigeants catholiques en reconnaissant que ces « jeunes frères et sœurs » étaient la source du mouvement du renouveau catholique. Le dirigeant laïque autrichien déclara que le pape avait fait un pas qu’aucun prédécesseur n’avait fait : de déclarer un objectif d’unité, non basé sur ‘des confréries séparées revenant à l’Eglise mère’, mais plutôt une ‘unité dans une diversité réconciliée’, une unité par la diversité.
Cette unité exigeait une humilité de toutes les parties, a souligné le pape, une reconnaissance que chaque église manquait de quelque chose que les autres pouvaient offrir. Il croyait que l’unité de l’Eglise ne pouvait se produire que lorsque tous se rapprochaient de Christ, pas lorsque les autres « revenaient à Rome ».
Pour certains catholiques, me disait-on, le pape va trop loin et trop vite. Pour certains protestants et évangéliques, une longue histoire de persécution et d’opposition de la part des catholiques a engendré une méfiance et une suspicion profondes. D’où le besoin de rencontres relationnelles et d’exercices d’écoute.
Plateforme
De telles rencontres étaient également nécessaires pour un dialogue Est-Ouest, exhortait Pàl Toth, un professeur d’études en communication à l’Université
Sophia à Loppiano en Italie. L’unité européenne était menacée par un malentendu mutuel, disait-il, expliquant comment ses propres racines hungaro-germano-slovènes chevauchaient le fossé Est-Ouest. Les différences d’attitude à l’égard des migrants, la relation entre l’Eglise et l’Etat, l’éthique sociale et les valeurs familiales étaient enracinées dans des histoires et des antécédents différents.
Alors que l’Europe occidentale était principalement un concept socio-politique, l’Europe orientale était plutôt un concept géographique. Les pays d’Europe occidentale du ‘premier monde’ avaient des origines politiques, économiques et culturelles séculaires très différentes de l’Europe orientale. Ils étaient communément associés à la démocratie libérale et au capitalisme, et étaient historiquement des nations protestantes et catholiques.
L’Europe orientale, constituée de l’Europe centrale, des Balkans et d’anciennes nations de l’Union soviétique, comprenaient des territoires catholiques et orthodoxes et partageaient des cultures postcommunistes cherchant à devenir démocratiques. Tandis qu’un certain nombre de systèmes juridiques et économiques s’étaient rapidement adaptés aux modèles occidentaux, les cultures nationales n’effectuaient pas le même changement.
Un dialogue fructueux exigeait une culture de rencontre, de connaissance mutuelle et de réconciliation, et non de critique et de défense, a-t-il déclaré. Créer une plateforme était essentiel, un lieu sûr où le dialogue était possible, où l’humilité, la confiance et l’acceptation mutuelle pouvaient être nourries.
Ignorant
Alors que l’Est avait cherché à l’Ouest des modèles culturels et politiques pendant des siècles, développant une certaine compréhension des développements occidentaux, l’Ouest restait encore en grande partie ignorant de l’Est et était donc enclin à entretenir des malentendus.
L’Ouest, avec son histoire d’immigration des anciennes colonies, avait eu une longue expérience de la diversité religieuse et culturelle. Pour l’Est, composé d’anciens membres d’empires et de satellites soviétiques, le processus de construction de la nation n’était pas encore achevé. Certaines nations orientales avaient été formées par un nettoyage ethnique ; d’autres à travers des négociations d’après-guerre des Grandes Puissances, laissant des populations ethniques artificiellement divisées. Alors que l’Ouest voulait dépasser la notion de nation, l’Est voulait la renforcer. Toth remarqua que, pendant que l’Ouest voyait le besoin d’unité dans la diversité, l’Est tendait vers une conception homogène de la société.
Les attitudes à l’égard des relations entre l’Eglise et l’Etat différaient aussi grandement entre l’Est et l’Ouest, expliquait-il. Les nations orientales reflétaient une compréhension plus orthodoxe de la relation symbiotique, pendant que le sécularisme occidental insistait sur une séparation nette. Aussi bien l’Est que l’Ouest avaient besoin de se demander ce qu’ils pouvaient apprendre l’un de l’autre.
Lors d’une table ronde, les Européens de l’Est disaient être pris entre un impérialisme occidental d’un côté, faisant du fait d’accepter l’éthique libérale laïque occidentale, sur des sujets comme, par exemple, le mariage homosexuel, une condition pour recevoir des fonds de l’Union européenne, et les exigences de Poutine sur le droit de la Russie de déterminer le sort de ‘ses nations tampons’, de l’autre.
Un pas concret vers une culture de compréhension mutuelle et de réconciliation était une proposition d’observer le 9 mai, journée de l’Europe, comme une sorte de Jour d’interdépendance célébrant l’interconnexion. Ceci a été accueilli avec enthousiasme par les participants qui se sont engagés à encourager un Mouvement du 9 mai décentralisé, populaire et apolitique, avec des activités et des événements aux niveaux local, national et européen.
Au sujet duquel nous en écrirons plus prochainement…
À la semaine prochaine,