Est-ce que l’héritage le plus positif de Donald Trump pourrait être d’aider l’Europe à devenir grande ?
Après tout, depuis son inauguration il y a à peine quatre mois, les électeurs européens – observant prudemment le chaos, la confusion et les contradictions de l’autre côté de l’Atlantique – ont été effrayés par les options populistes aux Pays-Bas, en France et maintenant en Allemagne.
Wilders, Le Pen et les dirigeants du parti populiste AfD en Allemagne ont eu l’herbe coupée sous leurs pieds par l’effet négatif de Trump. Ce qui pose la question : que se serait-il passé lors du referendum du Brexit, si celui-ci avait été organisé après l’élection présidentielle ?
La victoire inattendue du parti d’Angela Merkel, dimanche dernier, lors des élections dans l’Etat le plus peuplé d’Allemagne, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, renforce la probabilité que la chancelière reste en fonction jusqu’en 2021. Il y a deux dimanches, Emmanuel Macron a gagné sa place au Palais de l’Elysée jusqu’en 2022. Dans le climat politique le plus favorable depuis la crise économique de 2008, les deux dirigeants se sont rencontrés la semaine dernière afin de discuter d’un nouveau départ pour le projet européen.
Même les chances de Theresa May de remporter un mandat pour rester à Downing Street jusqu’en 2022, renforcent encore les perspectives de stabilité et de continuité en Europe, malgré les difficiles négociations du Brexit qui arrivent.
Au plus bas
Il ne s’agit pas de rendre grande l’Europe, ou toute autre nation, au détriment des autres. La question que nous nous sommes récemment posée, au Forum sur l’état de l’Europe à Malte, était de savoir comment l’Europe pourrait devenir un endroit d’espoir, de guérison et d’hospitalité – tant pour les Européens que pour les non-Européens ? Avec ou sans l’aide involontaire de la Maison Blanche, la tâche à accomplir reste extrêmement difficile, comme George Weigel, l’auteur du livre ‘Le cube et la cathédrale’, a mis en garde les participants au forum.
Parlant dans une vidéo, des grandes menaces externes et internes au bien-être de l’Europe, le professeur américain commença par la détermination de Vladimir Poutine à reconstruire l’empire stalinien. La perception du dirigeant russe de lui-même comme étant ‘le défenseur de la civilisation chrétienne’ était en soi étrange. Mais plus menaçant encore était l’extraordinaire programme de propagande que la Russie menait dans tout le monde occidental, un danger pour toute l’entreprise démocratique dans le monde de l’Atlantique Nord.
Les révélations du flirt bizarre de l’équipe de Trump avec le Kremlin ont souligné le fait troublant que l’intérêt américain en Europe était au plus bas depuis les années 1930, comme le disait Weigel : ‘et nous savons tous où ces vacances malheureuses de l’histoire ont fini.’ L’appel des dirigeants politiques, aux Etats-Unis, de sortir de ces ‘vacances de l’histoire’ actuelles, ne semble pas encore avoir trouvé réponse, déplorait-il.
D’autres intervenants au forum se faisaient l’écho de ces inquiétudes, dont le Général néerlandais Arie Vermeij (photo ci-dessus) qui donna des exemples de la guerre cybernétique aux frontières de la Russie avec les Etats baltes et la Finlande où des photos de petites amies et d’épouses de soldats occidentaux, en service près des frontières, apparaissaient mystérieusement sur des sites de rencontres et pornos. (Vous pouvez voir la vidéo des sessions plénières du matin).
Les menaces pour l’avenir de l’Europe n’étaient pas seulement externes, avertissait Weigel. Parmi les défis internes figuraient l’indifférence, si pas l’hostilité, envers les fondements intellectuels et moraux sur lesquels la civilisation européenne s’est reposée pendant des millénaires ; une culture d’arrogance et de bureaucratie trop répandue; et l’hiver démographique dont fait face chaque Etat membre de l’Union européenne, à l’origine d’une approche égoïste et à courte vue.
Weigel cita le juriste allemand Böckenförde qui avait résumé ces menaces, il y a une génération : l’Etat moderne, séculier et libéral démocrate repose sur un fondement de principes moraux et culturels, sur un fond de capital social, qui ne peut pas se générer lui-même. Ou comme le disait le pape Jean-Paul II : il faut un certain type de personnes qui vivent certaines vertus, pour faire en sorte que la politique et l’économie libres fonctionnent, pour que le résultat final soit un véritable épanouissement humain.
Nous ne devrions pas nous attendre à ce que des politiciens séculiers soient en mesure de montrer la voie. Tant que les communautés religieuses n’acceptaient pas un sens de responsabilité pour l’avenir de l’Europe, et que les convictions qui étaient à la base du projet d’intégration européen, lorsqu’il débuta au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, n’étaient pas restaurées, la voie à suivre pour l’Europe resterait douteuse, souligna-t-il au forum.
Echec moral
D’autres orateurs du forum ont pointé du doigt l’échec moral de l’Europe dans plusieurs domaines. L’experte juridique maltaise, le Dr Katrine Camilleri, parla de 2016 comme étant ‘l’année de la honte’ de l’Europe, lorsque les dirigeants de l’Union européenne ont signé le traité « infâme » avec la Turquie pour freiner le flux de réfugiés sans tenir compte des besoins des demandeurs d’asile. La tendance était pour des politiques plus restrictives, criminalisant et pénalisant ceux qui ne le méritaient pas, déclarait-elle.
‘Je crains un monde où l’église n’est pas prise au sérieux, où l’église et la théologie sont perçues comme des maux associés à la superstition’, déclarait, préoccupé, le Dr Henrik Syse, du Comité Nobel norvégien, ajoutant que les communautés religieuses doivent souligner la gravité du changement climatique.
Dans son discours de clôture, la Présidente de Malte, Marie-Louise Coleiro Preca, disait que Schuman croyait que la reconstruction de la communauté européenne ne serait possible que si elle était profondément enracinée dans les valeurs chrétiennes de base.
L’avenir de l’Europe n’est pas la responsabilité de Trump. C’est la nôtre.
*Le titre en anglais ‘Making Europe Great ?’ est une allusion au slogan de campagne électorale de Donald Trump ‘Make America Great again – faire de l’Amérique à nouveau une grande nation’
À la semaine prochaine,