Restaurer la communauté

août 10, 2020

En tant que ‘pèlerins virtuels’ la semaine dernière, nos étudiants de l’école d’été et nos participants en ligne, de la Finlande sur le cercle polaire arctique, à Hawaii dans le Pacifique, ont retracé l’histoire de la transformation en Irlande et en Grande-Bretagne, au cours du premier millénaire, à travers l’implantation de communautés vivant la vie de Jésus.

Les communautés, plutôt que les églises, étaient les piliers du Christianisme que Patrick transplanta en Irlande depuis sa Grande-Bretagne natale, ayant d’abord expérimenté la vie monastique en Gaule avant de retourner auprès de ses anciens ravisseurs en Irlande. Tours de pierre, cellules en forme de ruches, chapelles disséminées à travers l’Irlande, sont les restes physiques de ces communautés, parfois de 3.000 personnes, où jeunes et vieux, femmes et hommes, vivaient, priaient, adoraient, travaillaient, étudiaient et évangélisaient ensemble.

Les manuscrits colorés et élaborés, préservés aujourd’hui dans les bibliothèques et les cathédrales, nous offrent un aperçu de la créativité, de l’éveil mental, de la persévérance et du savoir-faire favorisés dans ces communautés. La voie celte était très relationnelle, s’inspirant de l’accent mis par Jean sur l’amour dans son évangile et dans ses lettres, contrastant parfois avec l’approche plus hiérarchique de la structure de commandement de l’Eglise romaine. Bien que soumise plus tard à Rome, en particulier après le synode décisif de Whitby, en 664, le mouvement celte continua à façonner et à inspirer des vagues continues de missionnaires comme Chad chez les Angles (les Anglais primitifs), des apôtres aux Frisons, comme Willibrord, et aux tribus germaniques, comme Boniface.

De nombreuses communautés celtes devinrent plus tard des monastères bénédictins, et formèrent un vaste réseau sur tout le continent, nourrissant la civilisation européenne émergente. Qu’est-ce que cela pourrait nous apprendre sur la connectivité, l’interdépendance et la confiance mutuelle dans l’Europe d’aujourd’hui?

‘Méthode communautaire’

Hier soir, après la fin de l’école d’été, notre Schuman Talks mensuel a mis l’accent sur l’importance de la ‘communauté’ pour l’avenir de l’Europe, en particulier une Europe post-Covid, post-Brexit. Trois experts académiques, bien informés de la création de ce qu’on appelait autrefois la Communauté européenne se sont joints à moi, dans notre studio virtuel, afin d’explorer la thématique de la compréhension de Schuman de la ‘communauté’.

Margriet Krijtenburg (Pays-Bas), Wolfgang Palaver (Autriche) and Victoria Martín de la Torre (Espagne) ont chacun évoqué les fondements bibliques du concept de communauté de Robert Schuman, au cœur de la proposition qu’il lança, il y a exactement 70 ans et trois mois hier soir. (Nous tenons ces Schuman Talks mensuellement, le 9ème jour du mois à 18 heures, afin d’attirer l’attention sur la Déclaration Schuman faite le 9 mai 1950 à 18 heures à Paris).

Victoria a expliqué la distinction sociologique originale faite entre la ‘communauté’, en tant que groupement naturel et relationnel dans lequel chaque personne est née, et la ‘société’, le groupe plus large où les personnes étaient liées à des étrangers, sur des bases contractuelles et fonctionnelles. La ‘communauté’ était liée à la stabilité et au passé ; la ‘société’ au progrès et à l’avenir, impliquant des décisions conscientes des participants. Cependant, cette définition pouvait conduire à l’exclusivisme, à la perte de la dignité humaine et de la liberté sous des régimes autoritaires. En France, par exemple, pendant l’occupation nazie, sous le maréchal Pétain, la définition de ‘francité’ a favorisé la xénophobie, excluant les Juifs et autres non-Catholiques.

Schuman, lui-même fervent Catholique, voyait le danger de cet exclusivisme qui, selon Victoria, se réincarnait dans le populisme d’aujourd’hui. Schuman et ses collègues ont consciemment choisi le mot ‘communauté’ pour décrire les institutions qui allaient former le projet européen ; le processus décisionnel serait appelé la ‘méthode communautaire’.

Trop important

Le processus d’intégration basé sur cette ‘méthode communautaire’ a été lancé le 9 mai 1950. Tout en s’inspirant des valeurs chrétiennes fondamentales de la dignité humaine, de la recherche du bien commun et du choix de la solidarité, il a exigé une intégration qui englobe les croyants non-catholiques et les sécularistes du siècle des Lumières. Les Pères fondateurs étaient principalement des hommes originaires des frontières de France, d’Allemagne et d’Italie, et qui vivaient avec des couches d’identités multiples. En commençant par la famille, ‘la communauté’ s’est répandue en cercles concentriques pour finalement englober toute la famille humaine.

Une compréhension personnaliste de la communauté était ouverte à la diversité et à la transcendance, ou au spirituel, expliquait Wolfgang, et était basée sur la participation volontaire plutôt que sur la force et la pression. Victoria ajouta que la ‘méthode communautaire’ signifiait que chaque nation serait traitée sur pied d’égalité, où le plus fort ne dominait pas le plus faible, protégeant et non détruisant la nation. Les Etats devaient rechercher le bien commun et non dominer. Le pardon et la réconciliation devaient être des valeurs fondamentales.

Ensemble, nous avons discuté de la déclaration de Schuman selon laquelle, « avant d’être une alliance militaire ou une entité économique, l’Europe doit être une communauté culturelle », et nous nous sommes demandé si nous n’avions pas mis la charrue avant les bœufs. Pourquoi le nom Communauté européenne a-t-il été remplacé par Union européenne en 1993 ? Victoria a compris que les Britanniques ont préféré un concept plus fonctionnel représenté par ‘Union’ plutôt que la compréhension relationnelle de ‘communauté’.

Elle se demandait s’il n’était pas temps de redonner au projet le nom et le sens de ‘communauté’. Wolfgang et Margriet ont ajouté que cela exigerait que le grand public, y compris les dirigeants de communautés religieuses, les jeunes et les enfants, participent au débat sur l’Europe de demain ; une conversation bien trop importante pour être laissée aux seuls politiciens.


À la semaine prochaine,

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