Spiritualité et politique

novembre 10, 2015

Il est temps de raviver le vieux débat sur la religion et la politique. Seulement, cette fois, parlons de ‘spiritualité’ et politique. Qui, pour quelque raison que ce soit, semble être plus sympathique et moins offensive. Ce n’est pas qu’il y ait une réelle différence, excepté dans la perception populaire qui est, je suppose, ce qui façonne le langage à long terme.

Voici quelques définitions circulant sur le net : ‘La spiritualité parle pour l’âme ; la religion parle pour l’esprit.’ ‘La religion est pour les gens qui ont peur d’aller en enfer ; la spiritualité est pour les personnes qui y ont déjà été.’ ‘La religion invente, la spiritualité découvre’. Et ainsi de suite. Certains estiment que la religion organisée, et particulièrement le Christianisme, est chargée de tout ce qui est négatif, tandis que la spiritualité est exaltée avec tout ce qui est positif. D’où, la popularité dans certains milieux de l’expression Spirituel mais non religieux, dénotant une spiritualité pour les ‘sans église’, les spirituellement éclectiques, les non-affiliés, les libres-penseurs, les chercheurs spirituels ou les ‘spirituellement indépendants’. Ne soyons cependant pas intimidés par l’implication que les disciples de Jésus ne devraient pas utiliser le mot ‘spiritualité’. Il n’y a pas de définition claire du mot et la foi chrétienne authentique concerne totalement la spiritualité. Durant une longue période, les sécularistes semblaient avoir réussi à bannir le discours religieux de la place publique, le qualifiant de démodé, sans intérêt et inopportun dans un système séparant l’église et l’Etat.Trop de chrétiens en politique ont tout simplement acquiescé, à défaut de faire valoir qu’une telle séparation ne devait pas signifier la suppression de la religion de l’arène politique. Car, assurément, notre politique découle de notre croyance dans la façon dont les choses sont, de notre compréhension de la nature humaine, de ce qui ne va pas avec notre monde, et de ce qui doit être fait pour changer les choses. De notre perspective religieuse ou spirituelle, en d’autres termes.

Durable

Oui, il est temps de raviver ce débat. Après tout, les systèmes politiques ‘séculiers’ qui ont émergé au cours des deux derniers siècles étaient eux-mêmes modelés par la religion, en particulier le Christianisme, promettant la création d’un ‘homme nouveau’ ou d’une ‘femme nouvelle’. Les hymnes, rites et rituels de partis, singeaient ceux des églises que beaucoup de dirigeants politiques rejetaient, comme le démontra l’historien anglais Michael Burleigh, dans ses livres examinant la religion et la politique depuis la Révolution française (Voir Earthly Powers and Sacred Causes). Que cela plaise ou non aux sécularistes, la religion est de retour sur la place publique en Europe, contredisant la théorie que plus les gens devenaient éduqués, moins ils seraient dépendants ‘de la religion et de la superstition’. L’Islam a forcé la question, par exemple, dans le pays de la laïcité, la France. Et l’afflux actuel de réfugiés a provoqué des références au christianisme par ceux qui veulent protéger ‘la nature chrétienne’ de l’Europe, en excluant l’étranger, ainsi que par ceux qui préconisent d’accueillir l’étranger, citant l’enseignement de Christ d’aimer son prochain comme soi-même. Certains de nos plus grands héros évangéliques en politique, ont puisé dans leur foi, pour leurs batailles contre l’esclavage, comme dans le cas de Wilberforce, ou contre la ségrégation raciale, comme avec Martin Luther King. Il est temps de nous demander avec plus d’insistance, à quel point nos prétendues valeurs européennes sont durables sans fondement biblique, comme nous l’avions écrit la semaine dernière. Comme l’avait prédit Robert Schuman, le projet européen est en crise parce que les valeurs spirituelles ont été ignorées.

Surprise

 

Même un historien séculier comme Niall Ferguson, dans son livre ‘Civilisation : l’Occident et le reste du monde’, note la surprise qu’il rencontra, de la part de membres de l’Académie chinoise de Sciences sociales, face au rejet du christianisme par beaucoup d’Occidentaux. Cherchant une explication au pourquoi l’Occident a dépassé la Chine au seizième siècle, ils ont d’abord conclu que l’Occident avait de meilleures armes. Puis ils ont pensé que c’était le système politique. Ensuite ils ont mis l’accent sur l’économie. Mais dans le courant des vingt dernières années qu’ils avaient conclu que le cœur de la culture occidentale était la religion chrétienne, selon ce qui a été dit à Ferguson. C’est pourquoi l’Occident avait été si puissant, entendit Ferguson : ‘le fondement moral chrétien de la vie sociale et culturelle était ce qui avait rendu possible l’émergence du capitalisme et, ensuite, la transition réussie vers la politique démocratique. Nous n’avons aucun doute à ce sujet.’ Affrontons, dès lors, cette question de plein fouet. Le 1er décembre prochain, nous lancerons, à Bruxelles, un symposium annuel afin d’encourager une discussion plus ouverte sur la dimension spirituelle des valeurs du projet européen, comprenant la dignité humaine, la liberté, l’égalité et la solidarité, et sur la nécessité de cette dimension pour le bien commun en Europe et dans le monde. Le Symposium Schuman sur la spiritualité et la politique commencera par une allocution se concentrant sur certains aspects de la spiritualité et de la politique, suivi d’un témoignage personnel d’une personnalité publique sur la spiritualité comme source de vie pour leur engagement politique. Un panel d’observateurs avertis offrira ensuite un examen de l’année écoulée et un aperçu de l’année à venir, en matière de promotion ou non de ces valeurs au sein de l’Europe. Alors venez et joignez-vous au débat ! Pour plus d’informations et inscriptions, cliquez ici.

PS : j’ai préféré utiliser le mot ‘séculariste’, qui n’existe pas en français, plutôt que le mot ‘laïciste’, qui devrait être normalement utilisé. En effet, la laïcité renvoie à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, tandis que le sécularisme, qui est le sens du terme utilisé en anglais par Jeff, est une idéologie écartant la religion, tant dans le domaine politique, que dans tout autre domaine de société. (Note du traducteur)


À la semaine prochaine,

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