Thérapie de choc

janvier 23, 2017

Le monde est entré dans une nouvelle ère avec l’inauguration de ce vendredi à Washington. Seul le temps peut dire quelle sorte d’ère ce sera. Sommes-nous témoins du début d’un renouveau nationaliste conservateur menant à un rétablissement moral et économique, comme le croient bon nombre de partisans présidentiels évangéliques enthousiastes ? Ou voyons-nous la naissance de la République Bananière des Etats-Unis, sous un chef autoritaire au tempérament d’un dictateur sud-américain, comme d’autres détracteurs évangéliques inquiets le craignent ?

Avant la cérémonie, des supporteurs évangéliques ont assisté à des événements où des prières ont été offertes à Dieu pour oindre le nouveau titulaire de la Maison Blanche, afin qu’il soit une boule de démolition des bastions médiatiques et académiques ; et où Néhémie, appelé par Dieu pour construire un mur malgré les attaques de la critique, a été retenu comme source d’inspiration.

Cependant, pour ceux qui doutent de la capacité du nouveau chef de l’Exécutif d’unir une nation divisée, le discours d’inauguration a lui-même donné beaucoup de raisons de s’inquiéter. Le président a-t-il les compétences nécessaires et les traits de caractère d’humilité, le respect et la compassion pour donner à la nation un nouveau départ ? Démolir est facile et rapide. Construire demande un effort uni et du temps.

Nous devons donc maintenant accepter les nouvelles réalités. Qu’est-ce que cela signifie pour nous en Europe ?

L’ère de l’après-guerre est terminée. Le 45ème président a créé un précédent avec les convictions de base qui ont guidé ses prédécesseurs depuis la Seconde Guerre mondiale : que les alliés les plus proches de l’Amérique sont les démocraties, que le libre-échange mondial est le meilleur, à la fois pour la prospérité américaine et pour le bien commun mondial, et qu’une Europe forte et unie est cruciale pour la sécurité de l’Amérique.

Paquet d’accords

En bref, la Pax Americana est terminée. Nous devons nous habituer à l’idée que l’homme dans le Bureau ovale compromette activement l’unité européenne. Après avoir prédit que cette année sera celle de l’implosion de l’Union européenne et après avoir proposé à Nigel Farage d’être l’ambassadeur britannique à Washington, il rencontrera d’abord la Première ministre britannique, montrant son soutien au Brexit. Puis, il envisage de rencontrer son alter ego du Kremlin.

Alors que la perspective d’un renversement des lois américaines sur l’avortement peut être saluée par les chrétiens du monde entier, le paquet ‘America First – L’Amérique d’abord’ menace de ruiner le cadre des relations internationales basées sur le droit, la liberté, la dignité et la solidarité.

De manière assez incongrue, le Psaume 133 a été cité durant le discours d’inauguration : « Oh ! Qu’il est agréable, qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble ! » Evidemment, l’orateur ne pensait pas aux peuples d’Europe. Pourtant, j’utilise souvent moi-même ce verset afin de décrire une vision du genre d’Europe que Dieu souhaiterait, ce que Robert Schuman envisageait être ‘une communauté de peuples profondément enracinée dans les valeurs chrétiennes.’

Malheureusement, l’Union européenne est loin de cette vision. Mais devrions-nous blâmer les ‘élites sécularistes’ pour cela ? Pourquoi devrions-nous nous attendre qu’ils promeuvent des valeurs chrétiennes ? Qui peut et devrait le faire, si ce n’est les chrétiens ? Qui a donc failli ? Est-ce que la réponse appropriée est d’abandonner et de se retirer ? Ou alors de s’engager dans la bataille pour l’âme de l’Europe ? C’est la cause que Jacques Delors plaida avec les leaders spirituels, en 1992, afin d’aider à retrouver une âme pour l’Europe ; dans le cas contraire, mettait-il en garde, les jeux seraient faits dans la décennie suivante. Même si nous avons bien dépassé cette date limite, nous ne devons pas abandonner.

Bouleversement

Cela pourrait peut-être aider de considérer ce bouleversement comme une thérapie de choc pour l’Europe. Quelque chose de bon pourrait en sortir.

Est-ce là ce qu’il faudra pour que les dirigeants européens trouvent plus de terrain d’entente, pris entre les menaces en provenance aussi bien du Kremlin que de la nouvelle Washington ? Cela aura certainement obligé la révision des budgets de défense et des alternatives à l’OTAN qualifiée comme ‘une organisation obsolète’ par le nouveau commandant en chef. L’Europe devra apprendre à défendre ses propres frontières. La France, l’Allemagne, la Suède, la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie et la Pologne comptent parmi les pays qui augmentent leurs dépenses de défense. Le Brexit permet maintenant l’élaboration d’un Plan d’action européen de la défense impliquant l’intégration de la défense, précédemment systématiquement contrarié par le véto du Royaume-Uni.

L’éloge de Poutine et la critique de Merkel ont été rencontrés avec l’incrédulité en Europe, à l’est comme à l’ouest. Car l’ancien officier du KGB a transformé les institutions démocratiques en un ‘autoritarisme élu’, utilisant un nationalisme humilié pour construire son soutien populaire – une tactique qui n’a pas échappé à son admirateur américain. Les attaques envers la Chancelière allemande menacent de perturber l’équilibre existant entre l’Allemagne et les autres nations européennes. L’unité européenne a été essentielle pour que l’Allemagne d’après-guerre reprenne sa place dans la communauté des nations. Mais maintenant, des Etats-Unis protectionnistes et isolationnistes forceront une Allemagne très réticente à prendre la direction du monde libre.

Merkel a besoin de notre soutien dans la prière dans ce nouveau rôle. Tout comme tous nos dirigeants, aussi bien démocratiques qu’autoritaires. Après tout, Paul a demandé à ses lecteurs de prier pour les dirigeants autoritaires de son époque, afin que ‘les puissances douces’ de l’Evangile – l’amour, la vérité et la justice – puissent prévaloir.

 

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À la semaine prochaine,

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