En dépit d’une forte opposition à sa visite au Parlement Européen, le Pape François reçut des applaudissements à répétition lors de sa visite à Strasbourg, la semaine dernière, malgré son exhortation envers ses auditeurs a “revenir à la ferme conviction des fondateurs de l’Union Européenne”, une vision basée sur la sacralité de la personne humaine, et non de l’économie.
Citant un auteur anonyme du deuxième siècle, le pontife déclara : “Les Chrétiens sont au monde ce que l’âme est au corps”, des mots audacieux, pas d’ordinaire entendus dans cet auditoire. La fonction de l’âme, continua-t-il, est de supporter le corps, d’être sa conscience et sa mémoire historique.
L’invitation du Président du Parlement Européen, Martin Schultz, après une audience avec le pontife à Rome l’année dernière, était remarquable, à la lumière de l’opposition socialiste allemande, en 2004, contre un candidat italien à la Commission Européenne à cause de sa position personnelle en accord avec les enseignements catholiques concernant l’avortement et l’homosexualité.
Ceci n’empêcha pas François de mettre, sans ambiguïté, au défi les membres du Parlement Européen, de revenir aux valeurs qui nourrirent la vie et la société européenne durant des siècles, et qui inspirèrent les pères de l’Union Européenne durant les années d’après-guerre.
“Je voudrais, en tant que pasteur, offrir un message d’espoir et d’encouragement à tous les citoyens d’Europe,” commença-t-il. “C’est un message d’espoir, basé sur la confiance que nos problèmes peuvent devenir des forces puissantes pour l’unité, en travaillant afin de surpasser toutes ces craintes dont l’Europe, ensemble avec le monde entier, expérimente. C’est un message d’espoir dans le Seigneur, qui transforme le mal en bien et la mort en vie. C’est un message d’encouragement à revenir à la ferme conviction des fondateurs de l’Union Européenne.”
Dignité transcendante
Au cœur de ce projet politique ambitieux était la confiance en l’homme, continua-t-il, pas tellement en tant que citoyen ou agent économique, mais aux hommes et femmes comme des personnes dotées d’une dignité transcendante.
Le Pape insista sur le lien proche entre les mots ‘dignité’ et ‘transcendant’. Parler d’une dignité humaine transcendante signifie faire appel à notre capacité innée de distinguer le bien du mal, à cette ‘boussole’ au plus profond de nos cœurs, que Dieu a imprimée sur toute la création, argumenta-t-il.
Comment l’espoir en l’avenir peut-il être restauré, demanda-t-il, pour le grand idéal d’une Europe unie et paisible, une Europe respectueuse des droits et consciente de ses devoirs ? Pour répondre à cette question, François se référa à la célèbre fresque de Raphaël au Vatican, ‘l’Ecole d’Athènes’, avec Platon et Aristote au centre. Le doigt de Platon pointe vers le haut, le monde des idées, le ciel ; Aristote tient sa main devant lui, vers le monde, la réalité concrète.
“Ceci me marque comme étant une image très en phase avec l’Europe et son histoire, faite de constante réciprocité entre le ciel et la terre, où le ciel offre cette ouverture au transcendant, à Dieu, qui a toujours distingué les peuples d’Europe, alors que la terre représente l’habileté pratique et concrète de l’Europe à faire face à des situations et des problèmes.
“L’avenir de l’Europe dépend de la récupération de cette connexion vitale entre ces deux éléments. Une Europe qui n’est plus ouverte à la dimension transcendante de la vie est une Europe qui risque de perdre lentement son âme propre et cet ‘esprit humaniste’ qu’elle aime et défend toujours.”
Enrichissement
François expliqua que la centralité de la personne humaine est le patrimoine que le christianisme a offert à la formation sociale et culturelle de ce continent, et continue à l’offrir aujourd’hui, et dans le futur, à la croissance de l’Europe. Cherchant à rassurer son auditoire largement séculier, il insista sur le fait que la contribution chrétienne n’était pas une menace à la sécularité des Etats ou à l’indépendance des institutions européennes. “Ceci est clair depuis les idéaux (d’inspiration chrétienne) qui ont formé l’Europe depuis le début, tels que la paix, la subsidiarité et la solidarité réciproque, et l’humanisme centré sur le respect de la dignité de la personne humaine.”
Il souligna qu’une Europe capable d’apprécier ses racines religieuses serait d’autant plus immunisée à l’extrémisme qui se répand dans le monde aujourd’hui. Citant son prédécesseur, Benoît XVI, il dit : “C’est précisément l’oubli de Dieu par l’homme et son manquement à lui rendre gloire, qui permet à la violence de s’accroître.” Le Pape avertit ses auditeurs qu’en permettant que les questions techniques et économiques dominent, l’Europe affichait désormais une lassitude hagarde et vieillissante, telle une ‘grand-mère’, stérile et sans vie. Les grandes idées qui inspirèrent autrefois l’Europe avaient perdu leur attirance. Les technicités bureaucratiques, une culture ‘jetable’, la méfiance, l’isolement et des styles de vie égoïstes et insoutenables en étaient le résultat.
Une histoire vieille de 2000 ans lia l’Europe au christianisme, continua-t-il. L’histoire devait encore être écrite. “C’est notre présent et notre futur. C’est notre identité.”
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À la semaine prochaine,