Les événements de Berlin, il y a 25 ans, commémorés avec sons et spectacles le week-end dernier, se produisirent de manière soudaine et inattendue. Pourtant une révolution de l’esprit humain, qui était en cours depuis au moins une décennie, mena au triomphe des “puissances douces” de l’amour, de la vérité et de la justice sur la tyrannie.
J’ai été récemment invité par VISTA, un bulletin de recherche sur la mission, à écrire une édition spéciale afin de réfléchir sur ces jours grisants et euphoriques, sur les dynamiques spirituelles qui ont mené au coup de théâtre de fin 1989, et sur les conséquences pour la mission et l’implantation d’église en Europe de l’Est. Cette pensée de la semaine est une version éditée de mon article de tête dans VISTA, une publication du Redcliffe College de Gloucester, un des rares endroits offrant un master sur les études de la mission européenne. Al Akimoff, ami de longue date et collègue de JEM, partage des histoires de changements incroyables dont il fut témoin à Prague, à Moscou, en Albanie et en d’autres endroits. Ildiko Kovács écrit sur la contrebande de Bibles de sa Hongrie natale vers la Russie, alors qu’elle avait 19 ans. Ces Bibles attisèrent l’espoir pour les croyants endurant toutes sortes de persécutions. Une analyse du livre de George Weigel The Final Revolution met en évidence le rôle spécifique de l’Eglise catholique et de Jean-Paul II, inspirant une révolution morale et spirituelle, au moins une décennie avant que le point de basculement de 1989 ne soit atteint.
Vous pouvez télécharger une copie de Vista (en anglais) ici.
Courage
Selon les arguments de Weigel, lorsque JPII fut élu pape, le KGB réalisa qu’il faisait face à un sérieux problème. Son message à Varsovie en 1979 à une foule atteignant le million – « Ne craignez pas ! » – fut le point de départ d’une révolution de l’esprit humain qui se répandit en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Allemagne de l’Est, en Hongrie, en Roumanie et dans les Pays Baltes. L’association syndicale indépendante de Lech Wałęsa, Solidarność (Solidarité), était directement encouragée par le pape, et ses membres étaient inspirés par leur source de foi personnelle.
En d’autres endroits, des vaillants anonymes furent motivés à des actes de courage et de résistance. En Lituanie, par exemple, durant l’occupation soviétique stalinienne, des centaines de milliers de personnes furent déportées en Sibérie. En 1956, après la mort de Staline, des lituaniens de retour érigèrent des croix sur une petite colline en reconnaissance et en mémoire de ceux qui ne reviendraient jamais. La colline devint un lieu de prière pour ceux qui souffraient encore. En 1961, les autorités rasèrent la Colline des Croix, la déclarant « un endroit d’ignorance ». D’une manière ou d’une autre, de nouvelles croix réapparurent du jour au lendemain. Les tentatives d’inonder la zone, de bloquer les routes et de rendre la colline inaccessible, échouèrent toutes. De plus en plus de croix continuèrent à voir le jour. Finalement, en 1985, le gouvernement abandonna sa tâche désespérée. Aujourd’hui, des centaines de milliers de croix couvrent la colline de 10 m d’altitude ; certains parlent même de millions !
A Leipzig, en Allemagne de l’Est, l’Eglise Saint-Nicolas devint le centre du mouvement « Prière pour la Paix » dans les années 80, qui se transforma en marches de 70.000 personnes à partir du 9 octobre 1989, réclamant la vérité et la justice. Les marcheurs répondirent aux provocations armées et violentes de la police dans un esprit de paix, d’amour et de pardon. Un mois plus tard, le mur fut démoli.
Le pique-nique paneuropéen à la frontière austro-hongroise du 19 août 1989, alors que 600 pique-niqueurs traversèrent une barrière pour passer à l’ouest, est vu comme « le coup d’épingle qui fit exploser le ballon communiste »
Pardon
Alors à la tête de la Révolution de velours à Prague, Vaclav Havel prit comme slogan personnel les mots datant de 1415, du réformateur-martyr Jan Hus, « La vérité prévaut », et les établit comme devise de la République Tchèque. Le renversement soudain de la dictature de Ceaușescu, alors que des milliers de Roumains s’agenouillèrent sur la place de la ville en priant le Notre Père, et scandèrent ensuite : « Dieu existe, Dieu existe ! », est encore un exemple supplémentaire du triomphe des puissances douces.
En septembre 1988, un tiers de tous les Estoniens participèrent à un énorme festival de chansons, entonnant des chants nationaux interdits durant ce qui devint la célèbre révolution chantante. L’année suivante, deux millions de personnes se joignirent les mains pour former la voie Balte, une chaîne humaine de 600 km de long traversant les trois Etats baltes.
Quatre décennies auparavant, un autre événement majeur, inspiré par « les puissances douces » du Christianisme, de pardon, de réconciliation avec l’ennemi et de l’amour pour son prochain, mena directement à l’établissement de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, et plus tard de l’UE. L’annonce du plan, par Robert Schuman, le 9 mai 1950, est, selon moi, le moment clé de l’Histoire européenne d’après-guerre, bien plus considérable que les événements du 9 novembre 1989, lorsque le mur fut détruit. En effet, ce dernier ne se serait pas produit sans le précédent. Le succès et l’attraction du projet Européen donnèrent un espoir et un but à des millions d’européens du Centre et de l’Est.
À la semaine prochaine,