Les Français adoptent le modèle nordique

avril 18, 2016

La France est devenue le dernier et le plus grand pays européen, à ce jour, à adopter le ‘Modèle nordique’ de la lutte contre la prostitution, en incriminant les clients plutôt que les prostituées. Bien que la législation controversée ait pris plus de deux ans pour passer au parlement, le vote final, au début de ce mois, a obtenu une large majorité : 64 pour, 12 contre et 11 abstentions.

En plus d’amendes allant jusqu’à 3750 €, les contrevenants devront aussi suivre des cours décrivant les conditions dans lesquelles les prostituées travaillent. La parlementaire socialiste française, Maud Olivier, qui parrainait le projet de loi, disait que 85% des prostituées en France étaient victimes du trafic.

La Suède, en 1999, a été le premier pays à incriminer les clients plutôt que les prostituées. Après que la prostitution de rue ait chuté de moitié par rapport aux niveaux antérieurs, la Norvège (2008) et l’Islande (2009) ont suivi leur voisin nordique. En 2014, l’Irlande du Nord devint le premier pays britannique à adopter ce modèle.

La nouvelle loi française est conforme à une résolution du Parlement européen de 2014, appelant les pays de l’Union européenne à réduire la demande de prostitution en punissant les clients. La prostitution violait la dignité humaine et les droits de l’homme, indiquait la résolution. Elle appelait les Etats membres à trouver des stratégies de sortie et des sources alternatives de revenus pour les femmes désireuses de quitter la prostitution.

Mary Honeyball, l’eurodéputée travailliste britannique qui a rédigé la résolution, a fait valoir que la législation de la prostitution avait été désastreuse aux Pays-Bas et en Allemagne. Une approche plus nuancée était nécessaire, punissant les hommes qui traitaient les corps des femmes comme des marchandises, sans incriminer celles qui sont amenées dans le commerce du sexe. Elle appelait à ‘un signal fort que le Parlement européen était suffisamment ambitieux pour s’attaquer de front à la prostitution, plutôt que de l’accepter comme un fait de la vie.’

Le Modèle nordique reconnaissait la connexion entre le marché de la prostitution et le trafic sexuel. La demande pour les services sexuels alimentait le trafic sexuel ; réduire le marché de la prostitution réduisait le trafic sexuel. Une étude récente de 150 pays, publiée par la London School of Economics (Ecole d’économie de Londres), montrait comment la prostitution légalisée a conduit à l’expansion du marché de la prostitution et à l’augmentation du trafic d’êtres humains.

Pour et contre

Bien entendu, l’industrie du sexe se sent menacée. Dans les rues et dans les médias, les travailleurs et les lobbyistes du sexe prétendaient que la législation rendait le commerce du sexe plus dangereux. Une prostituée manifesta avec une pancarte : ‘Ne me libérez pas, je prendrai soin de moi-même’.

Maud Olivier anticipa cet argument en demandant au Parlement : ‘est-il suffisant pour une prostituée de dire qu’elle est libre afin que l’esclavage des autres soit respectable et acceptable ?’

D’autres soutiennent qu’incriminer les clients diminue la probabilité qu’ils signalent les préoccupations au sujet du bien-être d’un travailleur du sexe, et que les travailleurs du sexe doivent risquer plus pour protéger les clients des poursuites. La prostitution deviendrait clandestine, prétendent-ils.

En parcourant les rapports des médias sur la nouvelle législation française, je lisais les arguments des experts faisant valoir le pour et le contre, dans une tentative apparente d’impartialité journalistique. Je n’ai pourtant trouvé aucun journaliste qui ait demandé ce que les Suédois pouvaient dire après plus de seize ans d’expérience.

Kajsa Wahlberg, rapporteuse de la Suède pour les activités de lutte contre le trafic d’êtres humains, n’a aucun doute quant au succès de leur modèle. La prostitution et le trafic ont été réduits de manière significative. La violence faites aux prostituées n’a pas augmenté. Pas plus que la prostitution n’est passée dans la clandestinité.

Lors d’une conférence en 2010 à La Haye, Wahlberg expliqua aux responsables néerlandais qu’une enquête spéciale, sur les résultats d’une décennie de la législation, ne rapportait aucune preuve de l’augmentation de la violence ou de la prostitution clandestine. Entre 1998 et 2003, le nombre de prostituées dans le pays a chuté de 40%. Les clients suédois masculins avaient chuté de 13,6% en 1996 à seulement 7,8% en 2008.

Mauvais marché

« Nous n’avons pas de problème avec les prostituées. Nous avons un problème avec les hommes qui achètent du sexe » expliquait Wahlberg. Sans les hommes désirant acheter un service sexuel, l’industrie de la prostitution et ses réseaux ne pourraient et ne continueraient pas à opérer. Le marché serait fermé.

Wahlberg : « Les criminels sont des hommes d’affaire ; ils calculent les bénéfices, les facteurs de marketing et les risques de se faire prendre, avant d’investir du temps et de l’argent dans la vente de femmes dans un endroit particulier. Notre travail consiste à faire tout ce qui est possible afin de créer un mauvais marché pour les trafiquants. Les activités de la prostitution ne sont pas et ne peuvent pas être poussées dans la clandestinité. Les bénéfices des trafiquants, des proxénètes, et d’autres opérateurs de la prostitution sont évidemment tributaires de la facilité d’accès pour les hommes aux femmes. »

Sur base de conversations mises sur écoute au sein des réseaux de crime organisé, ajouta-t-elle, la police savait que ces réseaux voyaient la Suède comme un mauvais marché, préférant les pays où la prostitution était légalisée ou tolérée.

Wahlberg expliqua à son auditoire à La Haye : « Nous voulons créer une société où les droits de l’homme de toutes les femmes et les filles soient protégés. Je souhaite encourager d’autres pays à emboîter le pas – car c’est alors que nous mettrons fin au trafic d’êtres humains à des fins sexuelles. »

Ceci n’est pas juste une tâche pour la police et les politiciens. Lors du Forum sur l’état de l’Europe à Amsterdam, le mois prochain, Jennifer Tunehag du European Freedom Network (Réseau européen de la liberté), dirigera un séminaire sur le trafic en Europe aujourd’hui et sur ce que nous pouvons faire, dans nos églises et organisations pour mettre fin aux esclavagistes modernes.


À la semaine prochaine,

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