Partout où ils se trouvent dans ce monde, les Irlandais peindront la ville en vert, demain, jour de la Saint-Patrick, s’ils n’ont pas déjà commencé. Même aux Pays-Bas, le vert dominera la Grote Markt, dans le centre de La Haye, où il y aura des danses et de la musique irlandaises et où la bière Guinness coulera à flots.
Les célébrations ont déjà commencé à Londres, où vivent 900.000 (!) Irlandais ethniques. Trafalgar Square était une mer verte hier après-midi, où les fêtards ont dansé et sautillé sur de la musique celtique, vêtus en tenues particulières. 150.000 personnes sont attendues demain pour participer au défilé de la Saint-Patrick, selon une pratique initiée par de nostalgiques immigrés irlandais à New York il y a plus de 200 ans, le jour du traditionnel anniversaire de la mort du saint. Dans le monde entier, cette semaine, quelques 15 millions de personnes prendront part aux innombrables festivités.
Et pourquoi pas ? Car la Saint-Patrick devrait commémorer le raz-de-marée spirituel qui balaya, au départ de ce que l’apôtre de l’Irlande entendait être ‘l’extrémité de la terre’, vers l’est, dans les îles Britanniques, et au-delà de la Manche, vers ce que sont maintenant la France, le Benelux et l’Allemagne, jusqu’en Suisse et au-delà des Alpes jusqu’au nord de l’Italie.
Certains, sans aucun doute, boiront leur Guinness à la santé de la révolution spirituelle que la mission de Patrick, en 432 après J.C., déclencha envers ses anciens ravisseurs, transformant une île de païens en ce qui devint connu comme ‘l’île des saints et des savants’. Mais il vaut la peine de s’arrêter un instant afin de réfléchir à ce que l’Europe aurait été sans l’influence chrétienne celte qui démarra avec Patrick.
Chute
Le titre du célèbre livre de Thomas Cahill, How the Irish saved civilization (Comment les irlandais sauvèrent la civilisation), soutient avec audace que la conversion des Irlandais a eu d’énormes conséquences pour la société occidentale, après la chute de l’Empire romain, et la perte ultérieure de la connaissance classique.
Les communautés monastiques établies par les Celtes, d’abord en Irlande, ensuite en Ecosse, puis en Angleterre et au-delà, à travers le continent, devinrent des centres d’étude, de culture et de savoir, où des manuscrits occidentaux rescapés furent minutieusement recopiés dans des scriptoria et où des bibliothèques furent établies. Les monastères devinrent les entrepôts des grandes œuvres de la littérature occidentale.
Les Irlandais furent les premiers à séparer les mots sur les pages imprimées, à inventer les lettres minuscules et à concevoir les paragraphes. Ils produisirent les splendides ‘Livre de Kells’, ‘Livre de Durrow’ et beaucoup d’autres chefs-d’œuvre. Parmi les illustrations, il y avait de curieux dessins de chats, de souris, d’oiseaux et d’autres animaux, avec un sens de l’humour espiègle et presque irrévérencieux. Mélangeant des motifs chrétiens et celtes, les manuscrits unissent la beauté des deux cultures, reflétant le génie de Patrick pour améliorer plutôt qu’effacer la culture préchrétienne.
Cahill souligne que les historiens se focalisent souvent sur les périodes classique ou médiévale, mais oublient le lien celte vital entre les deux : ‘Sans la Mission des moines irlandais, qui à eux seuls refondèrent la civilisation européenne à travers le continent dans les baies et les vallées de leur exil, le monde qui arriva après eux aurait été totalement différent – un monde sans livres. Et notre propre monde n’aurait jamais émergé.’
La mission audacieuse de Patrick en Irlande fut suivie par celle de Columba en Ecosse, Aidan, Chad et d’autres chez les Anglais, Colomban et Gall en France, en Autriche, en Suisse et en Italie ou Magne en Allemagne du Sud, pour n’en nommer que quelques-uns. Le mouvement missionnaire continua après que l’église celtique fut absorbée par l’église romaine au 7ème siècle, avec Willibrord atteignant les Frisons et Boniface les Saxons d’Allemagne.
Trèfle
Rainer Wälde a retracé les voyages de ces saints celtiques dans ses excellentes vidéos disponibles sur Internet via la Northumberland Community. Cet été, ma femme et moi voyagerons avec un groupe de pèlerins modernes, sur le Continental Heritage Tour, du 4 au 19 juillet, afin d’en savoir plus sur l’influence de ces Celtes irlandais et d’autres qui façonnèrent l’Europe à travers leur foi. Venez nous rejoindre !
Finalement, qu’y-a-t-il avec le vert ? Vous ne vous poseriez pas la question si vous aviez déjà voyagé sur l’Ile d’Emeraude, où le climat pluvieux garde la végétation luxuriante. Et il y a le trèfle à trois feuilles, la plante sacrée des druides, avec laquelle Patrick aurait illustré le concept de la Trinité. Qu’il l’ait réellement fait ou pas n’a pas d’importance pour les Irlandais. Tant que ça soit une bonne histoire.
À la semaine prochaine,