Un regard honnête

août 8, 2016

Le deuxième des quatre extraits hebdomadaires du texte du Masterclass, Europe and the Gospel (L’Europe et l’Evangile), par le professeur Evert Van de Poll. Cette édition spéciale peut être obtenue par l’intermédiaire de Schuman Resources.

EVdP: L’héritage du christianisme n’est pas tout à fait glorieux. Le passé négatif des chrétiens est toujours un obstacle à l’évangélisation, mais nulle part ailleurs la critique formulée contre le christianisme n’est aussi forte qu’en Europe.

L’Europe est marquée par l’influence du christianisme, mais pas toujours d’une manière positive. Parfois, le christianisme est discrédité dans la mesure où sa place dans la sphère publique est concernée. Beaucoup s’en tiennent à l’opinion qu’il n’y a pas de problème que les gens pratiquent leur foi dans la sphère privée, mais ne veulent pas que l’église domine la sphère publique, ou influence le débat politique.

Beaucoup de tort a été fait au nom du christianisme, mais souvent, les chrétiens ont aussi été les premiers à prendre la parole en signe de protestation. Il ne faut pas exagérer l’affaire en ne soulignant seulement que le côté positif tout en sous-estimant le rôle ignominieux qu’il a souvent joué. C’est une question d’honnêteté intellectuelle que de reconnaître les péchés, de rectifier les faux enseignements, et aussi de demander pardon pour le tort qui a été fait.

Le Cardinal Walter Kasper dit: Outre la magnificence de l’Europe, il y a aussi la misère et l’histoire honteuse de l’Europe. L’Europe a souvent trahi ses idéaux élevés : dans les croisades, dans les guerres de religions, dans la colonisation d’autres peuples, dans deux guerres mondiales et au moins dans la Shoa, la destruction de la communauté juive européenne. Ces côtés sombres de notre histoire ont contribué à une incertitude de notre identité.

Cependant, si nous admettons la complicité de l’église dans les événements honteux du passé, nous devrions aussi reconnaître les contre-mouvements et les voix individuelles chrétiens qui dénoncèrent ceci, au nom de la foi. La croix était la poutre de support des structures de pouvoir des Etats en alliance avec l’église, mais en même temps, elle était une épine dans la chair de ceux qui ont utilisé leur pouvoir seulement pour leurs propres intérêts.

L’historien français, Jacques Dalarun, fait des remarques à ce sujet : Nous ne devrions pas oublier que l’Eglise, dans le passé, a souvent été servile aux pouvoirs établis, mais à maintes reprises, il y a eu un retour à l’Evangile qui mettait les chrétiens en opposition à une société où les gens étaient traités de manière inégale, sur base de la naissance ou de la puissance physique. D’un côté, il y avait le monde des guerriers et des princes, où le peuple était fortement dominé. D’un autre côté, il y avait les monastères, où l’abbé était le serviteur de tous les serviteurs. On pourrait dire que ceux-ci étaient deux modèles opposés. En réalité, ils ont créé une tension, une dialectique permanente.

Dalarun montre que les monastères ont développé une forme de démocratie, basée sur le modèle de ‘gouverner pour servir.’ ‘Nous ne pouvons pas simplement sauter du Siècle des Lumières à l’Antiquité, et dire que l’Eglise n’a entre-temps contribué à pratiquement rien dans la démocratie moderne’, affirme-t-il.

À ceci, nous pourrions ajouter les formes de gouvernance développées par les partisans de la Réforme protestante aux Pays-Bas au cours du  dix-septième siècle. Dans leur modèle, le prince n’avait pas le pouvoir absolu ; il pouvait gouverner en collaboration avec les représentants des citoyens possédant une propriété. Ce modèle influença les penseurs du Siècle des Lumières, alors qu’ils développaient leurs idées d’une démocratie représentative.

Alors que nous pouvons jeter la faute sur les chrétiens pour avoir été accommodants avec la politique de pouvoir, l’intolérance et autres , nous devrions aussi donner du crédit aux chrétiens qui ont été inspirés par l’Evangile afin de prendre des positions alternatives.

Cinq accusations lancées contre le christianisme européen (notamment : )

  • L’Intolérance et la liberté – (Pendant que) l’église et l’Etat œuvraient ensemble afin de développer un corpus christianum, les semences de l’Evangile produisaient progressivement les fruits de la liberté individuelle, l’égalité, et la fraternité, basées sur le respect de la valeur innée de chaque individu.
  • Colonialisme – Le christianisme européen est souvent placé du côté du colonialisme et de l’impérialisme. (Pourtant), les missionnaires furent aussi les premiers à reconnaître la valeur des cultures autochtones, à défendre les droits des peuples indigènes, et à s’opposer à l’exploitation avide.
  • L’esclavage et les mouvements abolitionnistes – Alors que beaucoup de dirigeants d’église ont collaboré (avec l’esclavage), d’autres ont résisté. Les semences de la dignité humaine et ‘d’aimer son prochain comme soi-même’ commencèrent à produire le fruit d’un mouvement faisant appel à l’abolition de l’esclavage.
  • Capitalisme et mouvements sociaux chrétiens – (Pendant que l’Eglise) favorisait le capitalisme et accepta les conditions de la Révolution industrielle, contribuant indirectement à ses effets négatifs, elle a joué un rôle actif en mettant fin aux injustices sociales (et) à la détresse sociale et économique.
  • L’antisémitisme et la solidarité envers les Juifs – Pendant que l’église pratiquait l’antijudaïsme, certains de ses membres rappelaient que les Juifs sont toujours le peuple élu de Dieu et qu’ils devraient être respectés en tant que tel.

Le christianisme européen a fait un tort considérable, et pourtant dans l’ensemble, le christianisme a été une bénédiction pour l’Europe.

 (c) Evert Van de Poll: Europe and the Gospel


À la semaine prochaine,

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