Un retour surprenant ?

avril 30, 2018

Deux hirondelles ne font pas l’été, dit un proverbe néerlandais. Pourtant, deux livres néerlandais récents signalent peut-être un changement climatique important concernant le Christianisme en Europe.

L’un d’entre eux est écrit par l’éditrice du magazine de spiritualité à succès Happinez. Comme mentionné dans une précédente pensée de la semaine, Inez van Oord affirme dans son livre Rebible que « nous avons câliné des bouddhas et des arbres pendant trop longtemps, et qu’il est désormais temps de redécouvrir nos racines chrétiennes». Car notre vraie identité doit être trouvée dans nos racines, selon van Oord. Ce qui ne veut pas dire revenir au légalisme étouffant de l’église d’hier, soutient-elle, mais plutôt puiser une inspiration nouvelle des anciens puits des écritures.

Que ce nouveau son provienne d’une porte-parole de premier plan du mouvement du Nouvel-Âge est assez surprenant. Mais un second et plus vaste livre, publié juste ce mois-ci, provient de la plume d’une ancienne éditrice d’un journal national de gauche, qui pense maintenant que la société néerlandaise a jeté le bébé avec l’eau du bain, il y a quatre ou cinq décennies.

Dans son livre Ongelofelijk (incroyable), Yvonne Zonderop décrit son sentiment de libération, en tant que jeune femme, après avoir quitté l’église catholique, avec dégoût, avec d’autres membres de sa famille – et de sa génération. Pendant les années soixante et septante, la foi a disparu du devant de la scène, écrit-elle. Le séculier est devenu la norme. La liberté, l’individualisme et l’autonomie sont devenus les valeurs célébrées.

Dépouillés

Pourtant, Zonderop réalise à présent que cette libération personnelle a eu de grandes conséquences sociales. Quelque chose d’important a été perdu. Sa génération a élevé toute une nouvelle génération sans racines chrétiennes qui, pendant des siècles, ont nourri et formé la culture et la moralité occidentales. Une base commune pour la société a été érodée. Qui sait ce que l’Exode signifiait ? demande-t-elle. Qui peut expliquer les scenarii bibliques peints par Rembrandt ? Et qui se rend compte que, sans le christianisme, nous n’aurions très probablement pas d’Etat démocratique constitutionnel ?

Après des décennies, Zonderop a constaté que sa génération s’était elle-même dépouillée du contexte culturel dans lequel elle avait grandi. Pourtant, il devient maintenant évident que les alternatives à la religion qui offrent un sens et des valeurs, sont très rares. Des millions de néerlandais continuent d’osciller entre la foi et l’incroyance. En politique, l’héritage chrétien ne cesse de refaire surface, observe-t-elle, parce que c’est la source de notre culture, notre démocratie et notre éthique.

Elle cite un doctorant de l’Université d’Amsterdam qui a fait des recherches sur l’individualisation comme la devise de l’éducation néerlandaise après la Deuxième Guerre mondiale. Observant que les baby-boomers valorisaient l’individualité, elle a conclu : « mais gare à vous si vous ne portiez pas de jeans ou ne critiquiez pas la religion ! »

Ce qui rappelle, pour Zonderop, la scène humoristique du film des Monty Python, La vie de Brian, dans lequel le personnage du Messie dit à sa foule de partisans qu’ils sont tous individualistes, qu’il sont tous différents ; auquel la foule répond en scandant à l’unisson : « Oui, nous sommes tous différents ! » Puis la voix solitaire d’un homme dans la foule se fait entendre : « Non, je ne le suis pas. »

Pionniers

Zonderop considère désormais l’idéal de la liberté individuelle comme ayant tenu la société néerlandaise sous une forte emprise dont le départ collectif de l’église n’est qu’un seul exemple. Mais la liberté est maintenant devenue un dilemme du diable : quand vous commettez une erreur, vous êtes seul. La jeunesse d’aujourd’hui, soutient-elle, recherche l’appui du cercle d’amis sur lesquels se rabattre. Pour eux, le capital social est plus important que la liberté individuelle. La religion peut devenir une source de sens pour eux à nouveau.

De nos jours, la perte de l’unité est plus largement ressentie dans la société, écrit Zonderop. Les gens manquent de cohésion sociale, autrefois offerte par les syndicats et les églises. Ils ratent la « dimension verticale », dans laquelle quelqu’un plus grand que vous, prend soin de votre bien-être, que ce soit un chef de groupe ou Dieu.

Le sous-titre du livre, Sur le retour surprenant de la religion, renvoie aux derniers chapitres qui décrivent un certain nombre de nouvelles expressions d’église, aujourd’hui, aux Pays-Bas et en particulier à Amsterdam. Une vague de pionniers apparaît, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’église, confirmant que les rumeurs de la mort du christianisme ont été fortement exagérées.

Zonderop termine son livre par une citation surprenante d’un critique d’art germano-iranien et musulman, reliant la perte de la dimension spirituelle à la montée du populisme.

Dans son livre intrigant, Wonder Beyond Belief: On Christianity (L’émerveillement inimaginable : sur le christianisme), Navid Kermani observe : Il est tout à fait compréhensible que beaucoup d’Européens aient peur de l’islam et recherchent la sécurité dans le familier. Si vous ne connaissez plus votre propre culture, vous ne pouvez pas être ouverts à d’autres cultures. C’est une grande lacune si vous ne savez pas ce qu’est la Pentecôte. La littérature allemande du 19ème siècle ne peut pas être comprise si vous ne voyez pas les allusions chrétiennes. Beaucoup d’écrivains de cette époque étaient des fils de pasteurs. Toute la littérature et la musique allemandes sont saturées de références bibliques.

Si nous ne connaissons pas cet héritage, nous ne nous connaissons pas nous-mêmes. C’est là que nous devenons vulnérables au racisme, à la xénophobie et au nationalisme.

 


À la semaine prochaine,

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