Les chrétiens en Europe doivent s’élever au-dessus des horizons étroits des intérêts nationaux, rechercher le bien commun international et exhorter leurs concitoyens à faire de même, affirma Dr. Jonathan Chaplin, le week-end dernier, au Forum sur l’état de l’Europe à Amsterdam.
‘Nous rejetons le principe séculariste libéral de la primauté de l’intérêt individuel en politique nationale’, déclara l’Anglais, ‘et le principe équivalent en politique internationale – une attitude bloquant une résolution juste de la réponse de l’Union européenne face à la crise des réfugiés.’
De manière regrettable, selon lui, le gouvernement britannique faisait appel à ses électeurs à dire ‘oui’ à l’Europe ‘dans le langage étroit et racorni de l’intérêt national britannique’.
‘Les chrétiens devraient être préparés à promouvoir le bien commun international, même au détriment apparent de leurs intérêts nationaux’, continua-t-il, ‘tout comme le firent les hommes d’Etat qui lancèrent le projet d’intégration européenne avec un tel courage et une telle clairvoyance.’
Prenant la parole lors de la session plénière d’ouverture, à la veille de la Journée de l’Europe du 9 mai, dans la Zuiderkerk datant de 400 ans, Chaplin dit que pour comprendre et évaluer l’Union européenne, il fallait d’abord se poser la question : à quoi sert l’Union européenne ?
La Journée de l’Europe commémore la Déclaration Schuman, faite à cette date en 1950, lançant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) et initia ce que certains appellent ‘la longue paix’. Le Forum sur l’état de l’Europe se tient chaque année autour de cette date, dans la capitale du pays assurant la présidence de l’Union européenne.
Serviteurs de Dieu
Robert Schuman et ses collègues comprirent très bien que le projet de l’intégration européenne était politique avant d’être économique, expliqua Chaplin. Ils savaient qu’il échouerait si les objectifs politiques du projet seraient un jour dominés par des intérêts économiques. Schuman a déclaré que l’intégration européenne « ne peut pas et ne doit pas rester une entreprise économique et technique ; elle a besoin d’une âme, la conscience de ses affinités historiques et de ses responsabilités dans le présent et dans l’avenir, et une volonté politique au service du même idéal humain. »
L’Union européenne était principalement une institution politique, expliqua Chaplin. Les institutions politiques n’étaient pas nécessairement mauvaises, comme les libertaires séculiers le suggéraient. Elles n’étaient pas non plus la solution à tous les problèmes sociaux, comme l’entendaient parfois les sociaux-démocrates laïques. Elles étaient, comme le disait l’apôtre Paul en Romains chapitre 13, des ‘serviteurs de Dieu pour votre bien’.
‘Dans cette courte phrase, Paul affirme à la fois la légitimité des institutions politiques contre ceux qui les voient comme désespérément corrompues, tout en démystifiant les revendications impériales de l’Etat romain païen’ expliqua-t-il.
Nous voyons ces objectifs – la justice publique, la paix, la solidarité et la liberté – au niveau de nos Etats-nations, dit-il, et au niveau local et régional. Nous avons cependant également besoin de voir les institutions internationales et transnationales comme étant appelées à ces nobles tâches – l’ONU, l’OMC, l’OTAN, et effectivement, l’Union européenne – quand bien même celles-ci peuvent parfois les réaliser faiblement. Chacune d’entre-elles a été établie dans le but d’assurer la justice, la paix, la solidarité et la liberté, mais à présent dans l’espace public au-delà des frontières de n’importe quel Etat-nation. C’était leur raison d’être et l’indice de référence auquel leur performance devrait être absolument évaluée, expliqua-t-il.
En effet, les normes universelles de justice, de paix, de solidarité et de liberté étaient la volonté de Dieu pour toute l’humanité. Leurs revendications ne s’arrêtaient pas aux frontières nationales. Les gouvernements avaient aussi des responsabilités envers les citoyens et les nations partout ailleurs, en particulier envers les plus exposés à l’injustice ou à la perte de la paix, de la solidarité et de la liberté.
Rôle crucial
Chaplin cita les menaces pesant sur le projet de l’Union européenne aujourd’hui, comprenant la montée des mouvements nationalistes et xénophobes, la crise financière mondiale, la crise de l’Eurozone et la perspective d’un Grexit, le terrorisme, les menaces technologiques sur la personne humaine, la dégradation environnementale, la résurgence du nationalisme russe, la crise des réfugiés, la possibilité réelle d’un Brexit et un effondrement ultérieur de l’Union européenne.
Ces crises exigeaient une telle institution politique, comme l’Union européenne ‘avec une vocation morale nécessaire, honorable et exigeante : pour promouvoir des conditions de justice, de paix, de solidarité et de liberté à travers l’espace public européen.’ À cette fin, les chrétiens devraient s’engager en tant que citoyens européens, avec le projet risqué, chancelant, dysfonctionnel mais nécessaire et visionnaire, qu’était l’Union européenne, conclut Chaplin, qui dirige le Kirby Laing Institute for Christian Ethics (Institut pour l’éthique chrétienne ‘Kirby Laing’) à Cambridge.
Plus tard durant le forum, Chaplin mit en garde contre des attentes de l’Union européenne de promouvoir chaque bien européen ou résoudre chaque problème social. Beaucoup de responsabilités appartenaient à d’autres organismes : les citoyens, les familles et les organisations de la société civile. L’Union européenne ne pouvait pas non plus officiellement représenter ou promouvoir une foi quelconque, pas même le christianisme.
La recherche d’une âme pour l’Union européenne – ou plutôt la recherche parmi les différentes âmes résidant dans les espaces publics de l’Union européenne – n’était pas quelque chose que l’Union européenne, elle-même, en tant qu’institution politique, pouvait en prendre l’initiative. Cette tâche revenait plutôt à la société civile européenne, dans laquelle les communautés confessionnelles de l’Europe jouaient un rôle crucial.
Néanmoins, les chrétiens devraient mettre leur cœur et leur âme dans l’Union européenne, dit-il, apportant leurs idées sur la tâche donnée par Dieu, de l’Union européenne dans le domaine public.
À la semaine prochaine,