La fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a 70 ans, a été commémorée ce vendredi à Londres, Paris et Berlin, et samedi à Moscou. A Riga, où se tenait le State of Europe Forum durant ces deux mêmes jours, les lettons de naissance se sont rappelés, en toute sobriété, ce vendredi, la capitulation allemande, tandis que le jour suivant, des russes citoyens de lettonie firent une fête bruyante avec des drapeaux russes blanc-bleu-rouge, des insignes soviétiques et de somptueux feux d’artifices.
Les dates différentes du même événement proviennent du fait que la signature de la capitulation en 1945 a eu lieu le vendredi 8 mai, tard au soir, tandis qu’à Moscou, plus à l’est, le samedi 9 mai était déjà arrivé.
70 ans plus tard, cette différence de dates porte un poids extrapolitique. Alors que les événements du 8 mai ont reflété la politique de réconciliation qui permit la reconstruction de l’Europe de l’Ouest et l’émergence de l’Union européenne, les événements de samedi, à travers la Russie et en d’autres endroits de l’ancienne Union soviétique, ont été une démonstration sinistre de prouesses militaires, la plus grande depuis la guerre.
Boycottées par les dirigeants occidentaux, à cause de l’occupation de la Crimée par le président Poutine et de son soutien clandestin aux séparatistes se battant en Ukraine orientale, les parades ont été diffusées dans les maisons du monde entier par la télévision RT avec de la musique pompeuse et des commentaires décrivant les dernières armes de pointe, signalant au monde que la Russie était de retour en tant que superpuissance.
Renversement
Le soir précédent, dans l’église historique Saint-Pierre de la vieille ville de Riga, le professeur tchèque Tomas Halik prononça un discours, lors de la réunion d’ouverture du State of Europe Forum, reprenant les mots du premier message du nouveau pape Jean-Paul II, en octobre 1978 : ‘Ne craignez pas!’. Le professeur rappela à son auditoire comment Solidarité, le mouvement syndical indépendant polonais, fut créé après la première visite du pape polonais dans sa terre natale, et représentait, pour le monde communiste, un renversement similaire à Stalingrad pour le nazisme. Le premier message du nouveau pape eut beaucoup de signification pour le Dr. Halik sur le plan personnel, expliqua-t-il, quelques heures à peine après avoir été secrètement ordonné prêtre et avant de commencer son activité dans ‘l’église clandestine’ en Tchécoslovaquie.
‘Ne craignez pas!’ – ces paroles de Jésus et du pape, dit-il, ont aidé beaucoup de chrétiens à réaliser que le témoignage chrétien impliquait aussi d’accepter une coresponsabilité politique pour notre monde, une responsabilité pour la liberté, la paix et la justice dans nos sociétés. Aujourd’hui, continua-t-il, non seulement les pays d’Europe centrale et de l’Est regardent avec préoccupation les tentatives des dirigeants du Kremlin de ressusciter l’ancien empire. Les développements extrêmement dangereux du régime de Poutine prouvent le besoin de renforcer l’unité politique des Etats démocratiques en Europe. Si la tentation dangereuse d’égoïsme national et d’isolationnisme venait à triompher en Europe, conduisant à l’effondrement tragique de l’Union européenne, les Etats-nations d’Europe n’acquerraient pas plus de souveraineté, mais seraient plutôt beaucoup plus exposés aux forces du chaos et de destruction de l’intérieur, mit-il en garde.
Opium
Depuis la chute de la religion athée du communisme, le nationalisme et l’égoïsme national étaient devenus l’opium dangereux des nations. Le fait que la politique de Poutine obtienne le soutien de beaucoup de Russes prouvait que le soutien principal de l’ancien régime subsistait encore, c’est-à-dire l’homo sovieticus, l’homme soviétique. La véritable force et faiblesse des sociétés ne réside pas dans leur pouvoir économique et militaire mais dans la mentalité de leurs citoyens. Pour que la maison européenne commune soit une vraie maison, continua-t-il, elle avait besoin ‘d’une biosphère spirituelle et morale’. Le système communiste, dans lequel la culture était contrôlée par l’idéologie, a été incapable de survivre au marché mondial libre d’idées. Mais, demanda-t-il, que se passerait-il dans une société dont la culture avait perdu sa dimension spirituelle et qui était dominée par l’industrie commerciale des divertissements ? L’ancien conseiller et ami du Président tchèque Václav Havel conclut son discours en soulignant que le grand projet de l’unité européenne avait besoin d’une nouvelle force spirituelle et d’une vitalité intellectuelle. L’Europe d’aujourd’hui et de demain avait besoin de grands européens, de la trempe de ce qu’ont été Karol Wojtyla et Václav Havel.
À la semaine prochaine,