Le Jour de la Libération a été célébré durant plusieurs jours en différents endroits d’Europe, la semaine dernière, afin de commémorer la fin de la dernière Guerre mondiale. Le slogan officiel, ici aux Pays-Bas, était : ‘Transmettez la liberté !’. L’ironie, qui a semblé passer inaperçue, était que cette célébration arriva à peine quatre semaines après que les Néerlandais votaient (enfin, la plupart de ceux qui ont pris la peine de le faire) de ne pas transmettre la liberté aux Ukrainiens.
Jonathan Sacks a aussi averti quant au paradoxe de la liberté, et comment ceux qui ne l’avaient jamais perdue tendaient à la considérer comme acquise. Historiquement, souligne-t-il, la liberté a mené à la débauche, qui elle-même menait au chaos, qui finalement menait à la tyrannie. ‘Le paradoxe de la liberté’ était le thème du Forum sur l’état de l’Europe de cette année, qui s’est tenu ce dimanche et lundi dernier, avec plus de 100 participants européens, dans la Zuiderkerk d’Amsterdam.
Ce dimanche, lors d’une Célébration de la Liberté, la session publique d’ouverture du Forum, nous avons exploré les racines spirituelles de la liberté, et ce qui se produit lorsque nous nous coupons de ces racines. Amsterdam, comme tout le monde le sait, est une ville avec une réputation pour la liberté. L’écrivain du New York Times, Russell Shorto, l’appelle la ville la plus libérale du monde. D’où cette liberté provenait-elle ?
À travers un programme varié, avec un groupe de jazz, une chorale africaine, des présentations visuelles et des petits discours de Mink de Vries et Vishal Mangalwadi, nous avons retracé l’ADN de la liberté d’Amsterdam, en remontant depuis Guillaume d’Orange et, plus loin, à travers Erasme et le mouvement de la Dévotion moderne, jusqu’à la Bible.
Durant deux cents ans avant le Siècle des Lumières français, le père de la patrie néerlandaise fit ce qui était considéré comme une déclaration choquante pour un membre de l’aristocratie : ‘Je ne peux pas tolérer que des dirigeants désirent diriger la conscience de leurs sujets, et de leur ôter leur liberté de foi…’
La position de Guillaume ouvrit la voie à la Révolte hollandaise et à l’Union d’Utrecht, l’alliance entre les sept provinces rebelles, signée en 1579, qui consacra le texte suivant : ‘Chaque personne restera libre, spécialement dans sa religion, et que personne ne sera persécuté ou ne fera l’objet d’une enquête à cause de sa religion.’
Unique
La liberté religieuse résultant de la République hollandaise était unique au monde. Elle promouvait la stabilité, l’harmonie et l’innovation, et fit de la culture hollandaise la plus progressive et diversifiée de son temps. Cette liberté attira beaucoup de réfugiés et de migrants, faisant exploser la population d’Amsterdam, sa richesse et son influence dans le Siècle d’Or.
Des Juifs et d’autres réfugiés en provenance d’Anvers et de France, dont quelque 100.000 Huguenots, fuirent vers Amsterdam et la République hollandaise. Tout comme le firent les dissidents anglais, y compris les premiers baptistes et les Pères pèlerins.
Des commerçants vinrent d’Arménie, de Turquie, d’Iran, de Syrie, de Russie, et des pays baltes, apportant leurs costumes flamboyants, des langues étrangères et des religions différentes. René Descartes, le philosophe français qui passa la plupart de sa vie adulte dans la République hollandaise, demanda : ‘dans quel autre pays pourriez-vous trouver une telle liberté complète ?’
Mais qui façonna la pensée de Guillaume d’Orange ? Très clairement – Erasme. Il le cita parfois mot pour mot : ‘Dans un état libre, les langues devraient aussi être libres’.
Erasme ! En ce 500ème anniversaire de la production du Nouveau Testament gréco-latin de cet érudit, nous apprenons à quel point son influence a été profonde dans le façonnement de notre monde moderne. Non seulement cette traduction de la Bible mena directement à la Bible allemande de Luther, la Bible anglaise de Tyndale, et aux premières versions imprimées des Bibles française, espagnole et néerlandaise, nous voyons aussi maintenant qu’il se tenait au berceau de la société libre.
Source
Erasme fut éduqué par le mouvement de la Dévotion moderne. Il fréquenta l’école de Deventer, où Geert Groote fonda le mouvement. De là, il se répandit à quelque 400 endroits dans le Nord Ouest de l’Europe, apportant des changements majeurs dans l’éducation, l’Eglise et la société. Amsterdam était un centre majeur du mouvement. Presque tous les 22 monastères adhéraient à son accent mis sur la dévotion personnelle et simple, la prière et la lecture de la Bible. Des valeurs comprenant l’égalité, la solidarité, la coopération, la compassion, le libre choix, la tolérance et la responsabilité, façonnèrent leur spiritualité.
De quelle source Erasme tira-t-il ces idées apparemment radicales ? Il était très ouvert à ce sujet. Il exhorta les princes et les papes, les rois et les empereurs, à revenir à la même source : AD FONTES ! Retour aux Evangiles, aux lettres des Apôtres, et aux enseignements des pères de l’Eglise primitive.
Comme Vishal Mangalwadi, l’orateur de la célébration de ce dimanche dernier, écrivit dans son livre, ‘The Book that Made your World’ (‘Le livre qui fit votre Monde’): ‘Même si les Humanistes de la Renaissance (comme Erasme) lurent, tirèrent profit, citèrent et promurent les classiques grecs et romains ou les écrits islamiques, leur vision particulière de l’humanité provint de la Bible, en opposition délibérée avec les pensées grecques, romaines et islamiques. La nouvelle vision de l’homme de la Renaissance était inspirée par les anciens Pères de l’Eglise. Leur vision de l’homme, à son tour, était dérivée du premier chapitre de la Bible : « Alors Dieu dit : ‘Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance.’ »
Lorsque nous nous coupons de cette compréhension, nous sapons la base des droits de l’homme, les lois de la justice et la société vraiment libre.
À la semaine prochaine,