Vendredi matin dernier, pouvez-vous vous rappeler où vous étiez, il y a an ?
C’est probablement lorsque vous avez appris le résultat surprenant du referendum du Brexit : que 52% des électeurs britanniques ont fait le choix inédit de quitter l’Union européenne, au grand désarroi des électeurs du ‘Remain’, qui comprenaient la majorité des Ecossais, des Irlandais du Nord et des Londoniens.
Le premier anniversaire du ‘Jour de l’Indépendance’ n’était pas exactement ce que Nigel Farage avait en tête, il y a un an, lorsqu’il proposa avec joie que le 23 juin devienne un jour férié appelé ‘Jour de l’Indépendance’. Peu d’entre eux étaient d’humeur à la fête, vendredi dernier, encore moins Theresa May. Ses jours, en tant que Premier ministre, semblent être comptés après la perte, plus tôt ce mois-ci, de son pari d’une élection anticipée qu’elle organisa dans le but de renforcer sa main à la table des négociations avec l’Union européenne.
Lorsque mercredi, la Reine Elizabeth a présenté son discours au Parlement britannique, en portant une robe bleue et un chapeau assorti avec un cercle de fleurs au cœur jaune, le net a explosé avec des spéculations sur le signal qu’elle voulait envoyer. Guy Verhofstadt, le négociateur du Brexit pour le Parlement européen, twitta : « De toute évidence, l’Union européenne inspire encore certains au Royaume-Uni ».
Le bouleversement du Brexit a été suivi par une plus grande montagne russe, avec la surprise de l’élection américaine. Peu après, la nouvelle année débuta avec des préoccupations de plus de perturbations à venir. Les éventuelles victoires populistes aux Pays-Bas et en France, étaient perçues avec une anxiété grandissante. En janvier, je faisais partie d’une consultation de penseurs chrétiens où nous parlions des ‘pétales qui tombent’.
Au soulagement de beaucoup, aussi bien les électeurs néerlandais que français semblent avoir été brusquement réveillés par la confusion qui suivit le résultat du Brexit au Royaume-Uni et le chaos politique émanant de la Maison Blanche. Les résultats des deux élections ont exclu les populistes, même si les Français ont rejeté la vieille élite – dans le but de restaurer la stabilité, du moins pour l’instant. Leur nouveau président pro-européen est désireux de consolider l’axe franco-allemand sur lequel le projet européen a été construit à l’origine.
Perspectives
Bien que Theresa May et Angela Merkel viennent d’un même milieu, en tant que filles de membres du clergé, elles ne partagent pas les mêmes intérêts politiques. Les chances de Merkel d’être réélue en septembre se révèlent meilleures que jamais, depuis sa décision de se présenter à un quatrième mandat en tant que chancelière.
Largement respectée en tant que dirigeante la plus importante d’Europe, Merkel est considérée comme ayant contribué à la stabilité pendant la crise de l’euro, maintenu les sanctions liées à la Crimée et montré un fondement moral durant la crise des réfugiés. Ses perspectives politiques ont cependant été sérieusement contestées lorsque Martin Schultz, l’ancien Président du Parlement européen, est retourné à Berlin avec l’espoir de la remplacer. Cependant, la récente victoire inattendue du parti d’Angela Merkel dans un bastion social-démocrate, le très peuplé état occidental de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, a encore ranimé ses chances.
Le parti populiste de droite, l’Alternative für Deutschland (AfD), qui semblait à la hausse au début de l’année, renforcé par les craintes de l’immigration, est désormais divisé et désorienté.
Quel que soit le résultat envisageable, l’Allemagne, au cœur du continent, restera engagée dans l’Union européenne, l’Eurozone et l’alliance franco-allemande, assurant une stabilité et une continuité bienvenues au sein d’une Europe confrontée à des temps incertains.
‘Poison’
Pendant ce temps, de l’autre côté d’une Manche ne cessant de s’élargir, l’Archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, est profondément préoccupé que le Brexit continue de diviser la société britannique. Par l’intermédiaire d’un journal national, il fit appel à des pourparlers entre partis dans le but de retirer le ‘poison’ du débat de l’Union européenne. Les événements récents ont souligné la nécessité urgente d’un processus de réconciliation interne, entre les régions, les groupes sociaux, les groupes religieux et les générations, a-t-il écrit. L’avenir de la Grande-Bretagne devait reposer sur le bien commun réconcilié, atteint grâce à un bon débat et de bonnes divergences, plaida-t-il.
Le Dr Michael Schluter, fondateur du Jubilee Centre à Cambridge qui contribue régulièrement à des événements du Centre Schuman, souhaite également que les chrétiens soient des réconciliateurs, priant et œuvrant pour des issues positives et pacifiques du processus du Brexit. Dans un ‘Cambridge Paper’ (document de Cambridge) récent, appelé Brexit in a fractured Europe (Brexit dans une Europe fracturée), il soutient, avec son co-auteur, l’ancien économiste du FMI, le Dr Paul Mills, que le Brexit est ‘enceinte’ de risques et d’opportunités pour les relations entre les communautés et les nations impliquées.
S’il est mal géré, cela pourrait susciter de l’amertume et du ressentiment pour les années à venir, aggravant les relations entre le Royaume-Uni et l’Europe des 27. Ils mettent en garde que cela pourrait entraîner des coûts économiques mutuels importants et la rupture chaotique de l’Europe des 27.
A l’inverse, s’il est traité de manière sensible à l’égard de la relation, ils soutiennent que le Brexit pourrait conduire à un nouveau consensus sur l’identité et la politique du Royaume-Uni, et à un accord commercial mutuellement avantageux avec l’Europe des 27. Dans leur document, ils proposent une forme de confédéralisme comme alternative, aussi bien au fédéralisme qu’à l’ancien modèle d’identités nationales totalement distinctes.
Que ce soit faisable ou pas, une chose semble certaine dans ces temps incertains : le tour de montagnes russes n’est pas encore terminé.
À la semaine prochaine,